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BORDEAUX
02/01/04
(Eric Faury, metteur en scène)
Jacques OFFENBACH
La Grande-Duchesse de Gerolstein
Opéra-bouffe en trois actes
et quatre tableaux
Livret d'Henri Meilhac et Ludovic
Halévy
Crée à Paris au Théâtre
des Variétés le 12 avril 1867
Direction musicale : Jacques Blanc
Mise en scène : Eric Faury
Décors : Giulio Achilli
Costumes : Maison Grout
Chorégraphie : Juan Fuentes
(Anna Holroyd)
La Grande-Duchesse : Anna Holroyd
Fritz : Joseph Guillot
Le général Boum : Jean-Marie
Joye
Le prince Paul : Jean-Marie Sévolker
Le baron Puck : Dominique Rossignol
Wanda : Delphine Duport-Butique
Le baron Grog : David Ortega
Nepomuck : Bernard Auzimour
Une demoiselle d'honneur : Anyl Floriane
Orchestre national Bordeaux-Aquitaine
Chúur de l'Opéra national
de Bordeaux
Ballet du Théâtre
Fémina
Nouvelle production Opéra
National de Bordeaux
Représentation du 2 janvier
2004
au Théâtre Fémina
à Bordeaux
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"Ah ! Mon aïeul, comme il
buvait !... et quel grand verre il vous avait !". Comme l'indique la
ballade à boire du deuxième acte, voilà un opéra-bouffe
qui ignore la demi-mesure. Le reproche majeur que l'on peut faire à
cette Grande-Duchesse est d'être précisément
le reflet de la vieille histoire du verre à moitié vide ou
à moitié plein. Programmé à l'occasion du centenaire
de la naissance de la Bordelaise Hortense Schneider, créatrice du
rôle, l'ouvrage a été relégué en ouverture
de la saison d'opérettes. Ce n'est pas le Grand-Théâtre
qui déroulait le tapis rouge aux pieds de la souveraine, mais le
Théâtre Fémina. Depuis le malencontreux oukase d'Alain
Lombard contre ce type de répertoire, cette salle qui mériterait
un sérieux coup de pinceau est dédiée aux ouvrages
réputés plus légers. Alain Merkes, fils du célèbre
couple Marcel Merkes-Paulette Merval, y dirige le département opérettes
avec des moyens limités. En tout cas, sans commune mesure avec le
budget dont dispose l'énorme machinerie du Grand-Théâtre.
Un peu gênée aux entournures
(costumes de location, décor unique modulable...), cette nouvelle
production n'en est pas moins menée à un rythme qui ne laisse
aucune place à l'ennui. Spontanéité et fraîcheur
sont au rendez-vous de la mise en scène d'Eric Faury. En voilà
un qui ne cherche pas midi à quatorze heures, mais tente de faire
fonctionner la mécanique d'Offenbach. Le respect des pleins et des
déliés de la partition se heurte toutefois à quelques
erreurs de trajectoire. Si le général Boum, sans être
tonitruant, réussit son air d'entrée, les soldats de la Grande-Duchesse
restent de plomb quand Anne Holroyd, un peu à court d'autorité
dans la projection, déclare sans détour et un peu vite son
penchant pour les militaires "leur uniforme coquet, leur moustache et
leur plumet !". Au deuxième acte, on retrouve ce même
excès de précipitation dans la prononciation, mais cette
fois-ci dans le récit de Fritz au retour d'une bataille "bouffonne"
où "du reste on a tué personne". Toute la charge antimilitariste
passe ainsi à la trappe. Faiblesses d'autant plus étonnantes
que l'ouvrage est dirigé par Jacques Blanc, un chef, en temps normal,
attentif aux chanteurs en sa qualité de patron du chúur de l'Opéra
de Bordeaux.
L'air "Dites-lui qu' on l'a remarqué",
le duo qui suit, la nuit de noces dans la chambre rouge et la conclusion
rocambolesque de l'ouvrage compensent largement ces flottements et permettent
aux protagonistes d'exposer la qualité de leurs timbres sur des
tempos moins rapides. Au bout du compte, un plateau vocal équilibré
avec des éléments rompus pour la plupart aux seconds rôles
d'opéra, mais qui hésitent à s'affirmer et à
prendre des risques. Un peu plus de vaillance dans l'aigu de la part du
soldat promu général en chef aurait été la
bienvenue. Il en va de même pour une duchesse dont le portrait a
été calqué par les librettistes sur celui de Catherine
de Russie, autrement dit... une nymphomane ! Sous-exposé également,
le baron Puck. On aurait aimé entendre le baryton homogène
de Dominique Rossignol d'un peu plus près. Quant au choix final
de l'ami Fritz pour la petite Wanda, qualifiée de "poison"
par la Grande-Duchesse, on ne saurait le contester. La voix juvénile
mais impeccablement conduite de la cantinière, incarnée par
Delphine Duport-Butique, avait effectivement de quoi charmer le moindre
fusiller de Gerolstein, fût-il aussi niais qu'incompétent
dans l'art de la guerre.
Christophe PIVERT
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