LE POINT "G "
C'est dans le cadre du Théâtre
des États, petit bijou baroque où il fut créé,
qu'était donnée cette représentation du chef-d'oeuvre
de Mozart.
Contrastant heureusement avec ce cadre,
la mise en scène transpose l'action en faisant de "Don G." un couturier
branché lunettes noires et perruque afro (Dolce & Gabanna en
quelque sorte). Cette transposition est purement décorative et n'ajoute
rien à la lecture de l'oeuvre, qui reste très traditionnelle,
mais elle fonctionne (gag final pendant le sextet : la projection des "World
News" annonçant la disparition de Don G. et retraçant son
enfance et sa carrière !).
Bizarrement, ce n'est pas la version
de Prague qui est donnée ici mais la version traditionnelle (avec
quelques minuscules variations). La distribution réunie n'a rien
d'exceptionnel, mais elle a le mérite de
la jeunesse et de la crédibilité.
Paul Vincent est un Don Giovanni sexy,
sans grande projection et plus convaincant scéniquement que vocalement.
Il en est de même de son alter
ego Jiri Sulzenko en Leporello peu motivé et sans sex appeal (le
même incarnait Scarpia à l'Opéra National le lendemain
: on comprend qu'il s'économise !).
Simona Prochazkova est une Donna Anna
au matériau vocal quelque peu abîmé malgré son
jeune âge, mais vient correctement à bout de ses interventions.
En revanche, Christa Ratzenböck
est une Elvira fâchée avec la justesse et qui serait sans
doute plus à l'aise dans "Vessie d'arte" que dans "Mi tradi".
En Don Ottavio, Adam Zdunikowski éprouve
quelques difficultés, surtout dans son second air dont toutes variations
sont pourtant omises.
Enfin, Martina Bauerova et Sdfgh Ales
Hendrych forment un couple de paysans assez disparate : lui au physique
d'Auguste (le clown, pas l'empereur), elle très mignonne mais tous
les deux correctement chantants.
L'orchestre et les choeurs du Narodni
Divadlo, qui avaient pour l'occasion déserté le Théâtre
national, savent s'adapter aux dimensions réduites du Théâtre
des États, sous la direction néanmoins un peu mollassonne
de Bohumil Kulinsky (il est clair que tous les chefs tchèques se
prénomment "Bohumil"
puisque le lendemain "Tosca" était
dirigé par Bohumil Gregor... à moins que "Bohumil" ne signifie
"maître" ou "chef" ?!).
Au global, un spectacle moyen, sauvé
par une mise en scène amusante, mais surtout une occasion d'entendre
Don Giovanni dans les lieux de sa création.
Placido Carrerotti