Une fois
de plus, les Jeunes Voix du Rhin se distinguent par un spectacle original,
intelligent et réussi. Le choix s'est porté sur Gluck, mais
avec un opéra méconnu, digne représentant de l'opera
seria du milieu du XVIIIe siècle.
Alors âgé de 38 ans, Gluck
maîtrise à la perfection les canons esthétiques du
genre, récitatifs et airs s'enchaînent parfaitement, mais
sans surprise, le dramatisme des situations devant davantage au livret
de Metastase qu'à la musique. Nous sommes en effet loin des innovations
et des splendeurs des opéras français à venir dont
Iphigénie en Tauride est sans doute le plus beau fleuron.
On notera cependant la beauté de certains airs, dont l'un d'eux
(Se mai senti, chanté par Sextus) sera repris justement pour
Iphigénie en Tauride (il deviendra le sublime air avec choeur
O malheureuse Iphigénie) ou quelques traits d'orchestration
particulièrement réussis (dont les fameux ětrémolos
gluckiensî signalés par un trait ondulé au-dessus de certaines
parties des cordes).
La partition est très exigeante
et c'était une gageure que de la confier à une troupe de
jeunes chanteurs. Le défi n'en a pas moins été relevé
avec talent. Si certains ne sont pas toujours convaincants (le Titus de
Richard Bousquet peine quelque peu, sa jeunesse ne l'aidant pas
non plus à rendre crédible
le personnage de l'Empereur) et si d'autres brillent, au contraire, pas
leur aisance (remarquable Sextus de Kimy McLaren), il n'en reste pas moins
que l'ensemble est d'une belle homogénéité, et ce
malgré le remplacement de dernière minute de Luanda Siqueira
par Stéphanie Loris pour les arie (Luando Siqueira assurant
la partie scénique et les récitatifs).
Dirigé par un Michel Capperon
très placide, l'Orchestre de Mulhouse est simplement correct. Le
déroulement de l'ouvrage (à numéros) manque ainsi
de relief, et l'ennui guette parfois...
A qui revient l'idée de faire
parler une partie des récitatifs ? Au chef, au metteur en scène
? Curieux choix en tout cas, certaines phrases (la majorité) sont
parlées (en rythme, et avec l'accompagnement du clavecin !), et
d'autres sont chantées. D'aucuns pourront trouver que le texte est
ainsi mis en valeur, d'autres crieront à la trahison..
Décors et costumes ne cherchent
pas à placer l'action dans une époque précise, mais
leur aspect assez anodin provoque trop l'indifférence. Heureusement,
elle se voit contrebalancée par une scénographie très
ingénieuse et une mise en scène dynamique. L'orchestre est
placé sur scène, entre deux plateaux reliés par des
passerelles. Le plateau arrière est dévolu aux récitatifs,
tandis que celui à l'avant voit les personnages s'épancher
et se laisser aller à leurs sentiments. L'idée permet une
grande variété de mouvements et des déplacements qui
confèrent au spectacle une réelle vivacité, laquelle
manque parfois à l'interprétation musicale.
Emmanuel LEPHAY