C O N C E R T S 
 
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GENEVE
(Grand Théâtre de Genève)
Götterdämmerung

Richard WAGNER

Troisième journée de Der Ring des Nibelungen.
Drame musical en trois actes
Texte et musique de Richard Wagner

Direction musicale : Armin Jordan
Mise en scène : Patrice Caurier et Moshe Leiser
Décors : Christian Fenouillat
Costumes : Agostino Cavalca
Lumières : Christophe Forey

Siegfried : Stig Andersen
Gunter : Detlef Roth
Alberich : Franz Joseph Kapellmann
Hagen : Kurt Rydl
Brünnhilde : Gabriele Maria Ronge
Gutrune : Elizabeth Whitehouse
Waltraute : Lisa Livingston
Première Norne : Johanna Duras
Deuxième Norne : Hanna Schaer
Troisième Norne : Alexia Cousin
Woglinde : Dorothée Jansen
Wellgunde : Hanna Schaer
Flosshilde : Irène Friedli

Orchestre de la Suisse Romande

Choeur du Grand Théâtre de Genève
Choeur Orpheus de Sofie

(3 Mai 2002)



Le cycle s'achève à Genève et ce sont tous les épisodes passés qui nous reviennent au vu de ce Crépuscule des Dieux brillant par son aboutissement. Rien dans la représentation qu'il nous a été donné de voir n'appelle de vils sarcasmes, la soirée fut tout simplement magique ! Et c'est transi d'une plénitude toute musicale qu'au bout de quatre heures et demie de musique, nous nous résignons à quitter la salle où le sort du Monde et des Dieux s'est décidé.

La plateau vocal est resplendissant, d'une homogénéité rare, dominé par un Kurt Rydl (Hagen) profond, noir et démoniaque et par Elizabeth Withehouse (Gutrune), qui fait de sa prise de rôle un des grands moments de la soirée. La voix est sûre, maîtrisée de bout en bout tout au long de la tessiture, l'actrice est intelligente et la musicienne, talentueuse, finit d'achever le tableau d'un personnage déjà très abouti ! On retrouve avec bonheur le Siegfried de Stig Andersen, toujours aussi touchant dans sa gaucherie et sa maladresse, le timbre est vaillant et le guerrier téméraire, tout juste endommagé par une petite fatigue en fin de deuxième acte. Gabriele Maria Ronge campe une Brünnhilde bafouée qui se jette corps et âme dans son combat de femme ; la voix souffre parfois d'un vibrato un peu trop large, mais l'engagement physique et moral ainsi que les grandes capacités de la chanteuse permettent de déjouer les nombreuses difficultés du rôle, à commencer par tenir la longueur du drame sans jamais défaillir. Gunter Roth (également en prise de rôle : Gunter) est très à l'aise dans son opposition à Siegfried, l'acteur et la voix sont indéniablement ceux du rôle, là aussi montrant la qualité de la distribution. Chez les femmes, on note la présence d'Alexia Cousin, se confrontant doucement au répertoire wagnérien et à l'entendre (très à l'aise avec le chef et protégée par la très présente Hanna Schaer qui fut une splendide Geneviève à ses côtés) on ose imaginer d'ici quelques saisons quelle belle Senta elle pourrait faire vivre du haut de ses vingt et quelques années !

Patrice Caurier et Moshe Leiser achèvent leur Ring dans une atmosphère de bas-fonds et de mégalopole détruite. Eux aussi sont les garants de la constante cohésion d'une histoire dont on sait qu'elle est loin d'être évidente. Jamais ils n'ont sombré dans le piège de la superproduction ni dans celui du folklore germanique. Ces Dieux qu'ils nous ont assassinés aujourd'hui pourraient aussi bien être les nôtres. De la même manière, cette société mourant de ses mythes fondateurs est bien trop réelle dans leur vision pour qu'on ne s'empêche de penser un peu à nous et au monde qui nous entoure (vous avez dit crise du Millénaire ?)

Quatre heures trente de bonheur ! C'est une ovation, on ne peut plus méritée, qui attendait ce soir là le grand triomphateur de la soirée. Armin Jordan à la tête de l'Orchestre qu'il a longtemps dirigé, nous livre une vision d'une limpidité frappante. La simplicité étonnante avec laquelle cette musique, riche de sens et de discours orchestral, nous parvient montre à quel point ce chef a su (tout au long du cycle) articuler les motifs, faire vivre les personnages et laisser respirer l'orchestre ! Sans aucune emphase superflue, la musique de Wagner nous paraît d'une rare évidence, et ce soir, la mort de Siegfried a sonné dans la salle comme une tonitruante monstruosité : le rythme cardiaque s'accélérant et la chair de poule aidant, c'est une grande claque de théâtre que ce maestro nous a donné !

Non, ce Dieu là n'est pas encore au crépuscule de sa vie, et nous oserions rêver qu'un jour, cette production du Ring soit filée dans son intégralité, avec les mêmes dans les mêmes emplois, tant ils nous ont donné de choses à voir et entendre, et tant nous avons rêvé à ces destinées là !
 
 

Loïc Lachenal
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