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LONDRES
02/11/2007
Richard WAGNER
GOTTERDAMMERUNG
Troisième journée du « Ring des Nibelungelen »
Mise en scène : Keith Warner
Décors : Stefanos Lazaridis
Costumes : Marie-Jeanne Lecca
Lumières : Wolfgang Göbbel
Siegfried : John Treleaven
Brünnhilde :Lisa Gasteen
Hagen : Kurt Rydl
Gunther : Peter Coleman-Wright
Gutrune : Emily Magee
Waltraute : Mihoko Fujimura
Alberich : Peter Sidhom
Les Nornes : Catherine Wyn-Rogers, Yvonne Howard, Marina Poplavskaya
Les Filles du Rhin : Sarah Fox, Heather Shipp, Sarah Castle
Orchestre du Royal Opera
Direction : Antonio Pappano
Londres, Royal Opera House, 2 novembre 2007
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LES DORURES DU RHIN
Gotterdammerung
termine un cycle dont on peut presque dire qu’il tombe de
Charybde en Scylla. On pouvait après tout accepter
l’intermède ludique d’un Siegfried
décomplexé : ce n’est pas la journée la
plus passionnante ni même la plus profonde. Ceci dit, le Ring
n’est pas qu’une partie de rigolade et on pouvait attendre
de l’équipe de Keith Warner qu’elle redresse la
barre pour le dernier opus. Cette espérance est vaine :
l’ultime volet offre les mêmes qualités et souffre
des mêmes défauts que le précédent ;
sauf que les défauts deviennent ici rédhibitoires.
Côté positif, on appréciera une dramaturgie aboutie
s’appuyant sur de multiples détails scéniques. Au
passif, on regrettera que ces talents aient davantage été
utilisés à distraire (au deux sens du terme) le
spectateur, c’est-à-dire à l’amuser et
à le détourner de préoccupations philosophiques ou
métaphysique (1). Les
dispositifs scéniques restent toujours aussi variés et
spectaculaires, mais ils finissent par détourner
l’attention, en particulier pour l’immolation de
Brünnhilde où, entre plancher qui s’enfonce, flammes
qui s’élancent, statues dorées qui tombent du ciel,
figurants qui se déshabillent, chanteuse qui cavale et cuivres
qui couaquent, on finit par totalement perdre de vue le drame
sensé se jouer sous nos yeux.
John Treleaven est
toujours un bon Siegfried : certes ce n’est pas le
ténor héroïque qu’on peut imaginer, mais on
apprécie l’endurance et la musicalité,
l’homogénéité de la tessiture,
jusqu’à un contre-ut longuement tenu, et surtout une
remarquable aisance scénique.
Lisa Gasteen est
plus à l’aise dans la tessiture que lors de
l’épisode précédent, mais l’aigu reste
limité. L’endurance est au rendez-vous, mais la
scène finale tombe quand même à plat, faute de la
puissance suffisante. Il ne suffit pas de courir sur le plateau pour
épater le chaland et la grandeur hiératique de
certains « canons à décibels » est
autrement plus efficace !
Les moyens de Kurt Rydl ne sont
pas ceux d’une grande basse wagnérienne, mais il sait les
utiliser avec intelligence, notamment dans son duo avec
l’efficace Alberich de Peter Sidhom.
Mihoko Fujimura est une Waltraute de bon niveau ; Peter Coleman-Wright et Emily Magee forment
un couple plutôt falot ; les nornes sont inégales et
les filles du Rhin un peu trop légères.
Grâce en particulier à ses cuivres, dignes d’une formation baroque expérimentale, l’orchestre du Royal Opera
assure un rythme soutenu d’environ un
« pain » toutes les 5 à 10 minutes (ce qui
fait un nombre assez remarquable d’accidents vue la durée
de l’ouvrage). A-t-on d’ailleurs jamais vu la formation
d’une grande maison d’opéra jouer aussi mal ?
Peu rancunier (et surtout, toujours aussi chauvin (2)),
le public londonien fait néanmoins une formidable ovation
à ses musiciens : au début du dernier acte,
l’hystérie est digne d’un parterre de nostalgiques
du IIIème Reich après une polka offerte par la
Philharmonie de Berlin. Pour remercier le public de son accueil,
l’orchestre attaque la dernière ligne droite par une telle
bordée de couacs, qu’il déclenche
l’hilarité générale de l’auditorium.
Dans ces conditions, difficile d’apprécier la direction
d’Antonio Pappano que j’ai trouvée largement moins
lisible que dans les épisodes précédents.
Bien commencé, ce cycle laisse donc un arrière goût
d’inachevé, davantage en raison d’une production mal
conclue, qu’en raison d’un plateau inégal mais
globalement correct.
A condition d’une refonte de la mise en scène du
Crépuscule, une édition ultérieure pourrait se
révéler plus satisfaisante : reste à
renouveler une partie de l’orchestre, décidément
indigne d’une grande scène internationale.
Placido CARREROTTI
Notes
1.
Un exemple : déçues par leur conversation avec
Siegfried, les Filles du Rhin se jettent à l’eau
l’une après l’autre, provocant force
éclaboussures (rires, à chaque saut, et il y en a trois).
Siegfried se penche au bord de l’eau pour lancer une
dernière réplique et, en guise de réponse,
reçoit dans la figure un énorme saumon en plastique
(apothéose de l’hilarité)
2. Un critique anglais écrira
même, croyant excuser cette piètre performance :
« Nobody can blame them for beeing tired » (on ne
peut pas leur reprocher d’être fatigués) ! (www.musicalcriticism.com)
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