C O N C E R T S
 
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PARIS
18/05/2004

(CD Récital Susan Graham at Carnegie Hall)
Récital Susan Graham
 

Susan Graham, mezzo-soprano
Malcom Martineau, piano

Brahms - Zigeunerlieder
Debussy - Proses lyriques 
Berg - Sept Lieder de jeunesse
Poulenc - Quatre poèmes d'Apollinaire
Messager - "Vois-tu, je m'en veux" (Les P'tits Michu)
                    "J'ai deux amants" (L'Amour masqué)
Simons - "C'est ça, la vie" (Toi, c'est moi)

bis :
Hahn - A Chloris
Moore - Sexy Lady

Susan Graham, mezzo-soprano
Malcolm Martineau, piano

Strasbourg, Opéra du Rhin
25 mai 2004



Coupe à la garçonne, robe de taffetas noir rehaussé d'une fleur en tissu rose, démarche assurée : Susan Graham s'avance, captivant le public dès son entrée, et se lance crânement dans les Zigeunerlieder. Dès les premières mesures pourtant, un malaise s'installe qui ne prendra fin qu'avec le cycle brahmsien. La renommée de Susan Graham n'est plus à faire et il pourrait paraître bien prétentieux de mettre en question le talent de la mezzo américaine. Mais justement, est-ce vraiment une mezzo que nous entendons-là ? Le timbre, charnu et rond, évoque parfaitement cette voix de contralto "chaude, profonde, nocturne" dont parle Aragon dans Aurélien, mais la tessiture est à l'évidence celle d'un soprano grave. Medium et aigu inépuisables contrastent avec un registre grave écrasé, parfois poitriné et généralement sourd. Prenons donc ces Zigeunerlieder pour ce qu'ils sont : un échauffement, une entrée en matière qui ne laissent qu'en partie présager des merveilles à venir.

Ce n'est pas par hasard si les Proses lyriques trouvent la mezzo autrement à l'aise. La ligne vocale y est souveraine de bout en bout, tout au plus çà et là altérée par une diction un peu trop appuyée. Mais c'est une magistrale debussyste qui se révèle ainsi, trouvant successivement les accents d'une Mélisande dans l'onirisme lunaire du Rêve, d'un petit Yniold dans l'espiègle naïveté de Grève et Soir, voire d'un Golaud dans la fureur dévastatrice des Fleurs

"Tueur de rêves : tueur d'illusions,
Ce pain bénit des âmes misérables !
Venez ! venez ! les mains salvatrices !
Brisez les vitres de mensonge,
Mon âme meurt de trop de soleil !"


C'est à une diversité de tons, de couleurs et d'atmosphères encore plus vaste que parvient la cantatrice dans les Lieder de jeunesse de Berg, couronnés par un Traumgekrönt d'une insaisissable pureté. La voix, à la limite du murmure, atteint ce paradoxe d'un silence qui en dit plus que toute musique.

On en voudrait alors presque à Susan Graham de délaisser ces terres enchanteresses et de conclure son récital par des pages d'opérette dans le plus pur style français de l'entre-deux-guerres. Passe encore pour les Poèmes d'Apollinaire mis en musique par Poulenc où l'on décèle encore un parfum exquisément désuet, mais les pages plus légères de Messager et Simons peinent à rivaliser avec les lieder et mélodies qui les précèdent. Cependant, la cantatrice américaine sait user de son charme et de son aisance sur scène pour transformer ces airs en véritables numéros de revue. Délaissant à cet égard sa robe trop guindée pour un décolleté et un boa carmin, elle dessine, de quelques gestes, tout un personnage.

Les bis sont à l'image de cette dualité : l'interprète passe avec un naturel confondant d'un envoûtant et extatique A Chloris de Reynaldo Hahn à un numéro absolument déjanté. Cela pourrait s'appeler "les frustrations d'une mezzo condamnée aux travestis mozartiens et straussiens et qui rêve de grands rôles de tragédienne", mais cela s'appelle plus simplement Sexy Lady. Dédicataire de la partition, Susan Graham savoure chaque mot de cette irrésistible parodie : tout y passe - du pastiche de Cherubino et d'Oktavian à la rivalité avec les contre-ténors. Show hilarant où l'artiste, lassée des culottes, proclame son désir d'être une diva. Il est vrai qu'après avoir chanté "Mon Dieu, que c'est bête un homme ! Alors, vous pensez... deux !" on ne peut lui en vouloir de revendiquer sa féminité...
 
 
 

Sévag TACHDJIAN


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le programme de ce concert a été enregistré en Avril 2003 au Carnegie Hall (CD erato)

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