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PARIS
12/09/2007
Ian Bostridge
© DR
Ian Bostridge
Georg Friedrich Haendel
Le Messie
Ouverture, récitatif « comfort ye » et air « Ev’ry Valley »
Concerto grosso op 6 n° 5
Semele
Air « Where’re you walk »
Jephta
Air « Waft her angels »
Entracte
Concerto grosso n° 7 « Alexander's feast »
Ariodante
Ouverture, air « Scherza infida » et musique de ballet de l’acte II
Acis and Galatea
Air « Love sounds the alarm »
Bis
Acis And Galatea
Air « Love In Her Eyes Sits Playing »
Orchestra of the Age of Enlightenment
Steven Devine et Matthew Truscott, direction
Théâtre des Champs-Élysées, Paris
mercredi 12 septembre 2007, 20h
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Frustrant !
La vie du lyricomane n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut
en effet à l’amoureux des voix affronter des
épreuves qu’ignorent les autres mélomanes. Prenez
par exemple le récital, ce type de concert censé faire la
part belle au seul chanteur : combien d’ouvertures des Noces de Figaro, du Barbier de Séville ou de La force du destin,
perturbent régulièrement ce qui devrait
n’être qu’une incessante partie de plaisir !
L’artiste doit se reposer, évidemment, mais il existe tout
de même une limite que certains n’hésitent pas
à franchir. Ian Bostridge par exemple dont le programme du
récital au Théâtre des Champs-Élysées
laisse ce soir plus de place à l’orchestre
qu’à la voix. Les pièces instrumentales –
concerti grossi, ouvertures et ballets – occupent en effet une
bonne heure sur les deux petites que dure le concert.
Steven Devine au clavier, Matthew Truscott
au premier violon et l’Orchestra of the Age of Enlightenment,
remplissent heureusement sans faillir le contrat et savent donner
à la musique d’Haendel une nouvelle jeunesse, prenant le
meilleur de l’interprétation sur instruments
d’époque – la vivacité – et en
délaissant le pire : écarts de justesse et
acidité. Pas de majesté outrancière donc - le
côté emperruqué du divin saxon qui parfois bedonne
ses partitions - mais une certaine rondeur tout de même, un
moelleux confortable et surtout une alacrité qui souligne
l'invention mélodique et la verve du compositeur. Dans ces
conditions, le dialogue entre le concertino et le ripieno
des deux concerti grossi réussit à divertir (ce
n’était pas partie gagnée, on doit l’avouer)
; l’introduction d’Ariodante déroule
ses trois parties avec noblesse ; les songes qui forment le ballet de
l’acte II, bien que privés du support de la scène,
trouvent chacun leurs caractères, agréables quand ils
suggèrent les bienfaits du sommeil ou funestes lorsque
jaillissent des cauchemars en forme de triple croche ; la
symphonie d’ouverture du Messie conserve sa force de persuasion
et la netteté de ses articulations dans la grande fugue
centrale ; le tout sans que jamais l’orchestre ne dissipe
son énergie ou ne relâche sa précision.
Et Ian Bostridge ? Avec
tout ça, on l’avait presque oublié. Grand, mince,
la mèche sagement coiffée d’abord puis jetée
plus tard fiévreusement en arrière, réservé
pour ne pas dire hautain, il évoque à la fois Maurice et
Edward aux mains d’argent ; quelque part entre James Ivory
et Tim Burton donc, étrange et délicat, lunaire
assurément. Le chant, moins maniéré qu’on
veut bien le dire, séduit surtout par la netteté de
l’articulation, aussi bien en anglais qu’en italien. Le
timbre rappelle le duffle coat ou le loden,
ces pardessus un peu raides, au toucher feutré et aux couleurs
ternes, kaki, bruns et beiges. Des trois registres se détache le
medium, franc et direct ; le grave semble moins projeté, un
peu sourd ; l’aigu trouve vite ses limites au point de
frôler l’accident durant l’air d’Acis And Galatea, « Love sounds the alarm ». L’ambitus
du ténor haendélien sait heureusement rester assez
central. Mais c’est l’interprétation qui
n’enthousiasme pas autant qu’on l’aurait attendu, le
défaut d’allégresse de » Ev’ry
Valley », de sensualité de « Where’re you
walk », d’intensité dans « Scherza
infida », l’air d’Ariodante
transposé pour ténor quand l’oreille a en
mémoire des tessitures autrement brûlantes. On se dit
alors que les bis comme
souvent parviendront à démonter cet excès de
retenue. Hélas, après un « Love In Her Eyes
Sits Playing » un brin plus détendu, le chanteur
d’un geste signale à l’orchestre que la
soirée est déterminée. Quant au public, lyricomane
ou non, il reste sur sa faim.
Christophe RIZOUD
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