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AIX-EN-PROVENCE
16/07/04

© Elisabeth Carecchio
Hanjo

Toshio HOSOKAWA (né en 1955)

Livret du compositeur 
D'après Hanjo,
dernier des "Cinq Nô Modernes" de Yukio Mishima, 
traduction de Donald Keene

Commande du Festival d'Aix-en-Provence
en accord avec Schott Japan Company Limited

Coproduction du Festival d'Aix-en-Provence
et du Théâtre Royal de la Monnaie/de Munt

création mondiale
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Mise en scène : Anne Teresa de Keersmaeker
Scénographie et lumières : Jan Joris Lamers
Costumes : Tim van Steenbergen

Collaboratrice à la mise en scène : Dagmar Pischel
Collaborateur aux mouvements : Arco Renz
Maquillages, perruques,
coiffures : Catherine Friedland
Assistant musical, pianiste,
chef de chant, coach díanglais : David Miller
Pianiste, chef de chant : Noémi Biro

Direction musicale :
Kazushi Ono * (8, 10, 12, 14, 16*, 17, 19, 20 juillet)
Georges-Elie Octors (23 et 25 juillet)

Hanako, Ingela Bohlin (soprano)
Jitsuko Honda, Lilli Paasikivi (mezzo-soprano)
Yoshio, William Dazeley (baryton)

Orchestre de chambre de la Monnaie

Aix-en-Provence, 16 Juillet 2004


Tendresse et poésie au pays de Mishima

Mishima, que les pays occidentaux connaissent surtout comme romancier, se voulait avant tout auteur dramatique, grand admirateur de la tragédie classique, mais aussi du Nô traditionnel japonais, dans lequel il puisa une bonne part de son inspiration. Cinq de ses Nô modernes ont été traduits en anglais par Donald Keene (mais aussi en français par Marguerite Yourcenar, particulièrement inspirée dans cet exercice difficile). C'est sur la base d'une de ces traductions anglaises que Toshio Hosokawa, considéré aujourd'hui, depuis le décès de Takemitsu, comme le plus important compositeur de l'école japonaise, a composé son premier opéra, Hanjo, pour trois voix et orchestre de chambre, dédié à son ami Kazushi Ono, le chef permanent de l'orchestre de la Monnaie.

A travers cette oeuvre, dont il signe également le livret, Hosokawa réussit une remarquable synthèse entre le poème et la musique, en y intégrant le mouvement, le tout placé sous le signe de la contemplation. Hanako, une jeune femme, se rend tous les matins à la gare de Tokyo et scrute le visage des hommes dans l'espoir de retrouver Yoshida, qu'elle a aimé une nuit, il y a trois ans, et qui lui a promis de venir la chercher. Ils ont échangé leurs éventails en gage de fidélité, mais lorsque Yoshida est revenu, Hanako avait été chassée de son travail et n'était plus au rendez-vous. Depuis lors, elle s'est réfugiée dans l'espérance et dans l'imaginaire, aux limites de la folie; elle a été recueillie par Jitsuko, une femme peintre qui a été émue par son histoire et par sa beauté, mais qui craint à tout instant de la perdre si Yoshida revenait à paraître. Or il paraît, en effet, demande à revoir Hanako, à quoi Jitsuko tente de s'opposer, crie son amour pour être entendu d'elle, et lorsque les amants se retrouvent enfin face à face, Hanako choisit de ne pas reconnaître Yoshida, et de poursuivre son chemin dans l'insatisfaction du désir et l'épuisement sublime d'une attente qui se suffit à elle-même.

© Elisabeth Carecchio

La musique de Hosokawa doit beaucoup à celle de son maître Takemitsu, et donc indirectement à l'école de Boulez, mais avec néanmoins de nombreux élément personnels, un grand raffinement de couleurs, de timbres - on songe également à Berio - une tendresse immense et un sens de l'équilibre particulièrement subtil, fait de climats sonores juxtaposés qui intègrent parfaitement la voix dans l'écriture instrumentale. Les parties vocales sont traitées suivant trois modes alternés, le chant, la voix parlée et une sorte de sprechgesang intermédiaire qui s'enchaînent librement. Très bien mise en valeur par la direction fluide de Ono, qui caresse la musique à mains nues comme une sculpture, servie avec beaucoup d'attention et de respect par l'orchestre de chambre de la Monnaie, la partition "colle" merveilleusement au propos du livret dont elle renforce à la fois le sens et la poésie. Ainsi, la partition termine comme elle a commencé, par le bruissement du souffle de la nature, imperceptible mouvement de la vie suspendue dans l'attente.

La mezzo Lilli Paasikivi (elle alterne avec Frederika Brillembourg) qui prêté sa voix à Jitsuko, domine la distribution - le rôle n'est pourtant pas sympathique - à la fois par sa présence scénique et par sa voix chaude et puissante. A ses côtés, la suédoise Ingela Bohlin, soprano (le rôle sera aussi tenu par Sophie Karthäuser), semble s'être glissée très facilement dans le personnage un peu flou de Hanako, dont elle incarne fort bien la poésie et l'intensité. William Dazeley, baryton britannique un peu raide (c'est le rôle qui le veut) mais très en forme vocalement, incarne un Yoshio solidement ancré dans le réel, emphatique face au malheur.

Discrète et parfaitement dans le ton - mêlée au projet dès sa conception -, Anne Teresa de Keersmaeker signe une mise en scène très sobre, intimiste, dans un décor abstrait particulièrement beau, et des costumes non moins réussis de Tim van Steenbergen, jeune créateur anversois.
 
 

Claude JOTTRAND


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Notes :

France Musiques enregistre cet opéra le 23 Juillet 2004. Diffusion à une date ultérieure.

Cette production ouvrira la saison 2004-2005 du Théâtre de la Monnaie à Bruxelles en septembre prochain, puis sera reprise aux Festwochen de Vienne en mai 2005.

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