C O N C E R T S 
 
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BRUXELLES
23/06/03

(Sir Simon Rattle)
Joseph HAYDN (1732-1809)

Symphonie en fa majeur,  Hob. I : 67

Harmoniemesse  en si bémol majeur,  Hob. XXII : 14 (1802)

Susan Gritton, soprano
Rinat Shaham, alto
Jeremy Ovendem, tenor
David Wilson-Johnson, basse

The Orchestra of the Age of Enlightenment
Simon Rattle, direction

Bruxelles Palais des Beaux Arts, 23 Juin 2003


Au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (fraîchement relooké en "Bozart"), si aucun raclement disgracieux, aucune toux de contenance ne vient gâcher les pianissimi et les soupirs de la musique, c'est qu'il se passe vraiment quelque chose d'inhabituel, voire d'exceptionnel. Ce lundi soir, à la faveur d'une lecture analytique, incroyablement fouillée et d'une finesse de détails stupéfiante, le public découvre dans l'Adagio de la symphonie en fa majeur de Haydn des beautés oubliées, des microclimats subtils et enivrants. A la tête de l'Orchestra of the Age of Enlightenment, Simon Rattle déploie une palette de nuances quasi infinie et une agogique audacieuse, un art du suspens qui frise parfois le maniérisme. Ce brillant exercice de style a toutefois ses limites : trop cérébrale, la démarche semble exclure toute effusion et passe à côte de l'Adagio e cantabile, vaste amplification poétique lovée au coeur de l'Allegro final, qui se retrouve prisonnière d'une étrange torpeur, privée de souffle et de volupté. En revanche, Rattle traduit mieux que personne l'onirisme singulier du Menuet, trio ineffable tel un météore jailli de nulle part.

C'est encore la direction de Sir Simon qui appelle tous les éloges dans l'Harmoniemesse. Puissante, nerveuse et presque sauvage dans sa manière d'aborder les contrastes, abrupts, il est vrai, voulus par le compositeur, la vision proposée par le nouveau directeur du Berliner Philharmoniker est défendue avec vaillance et conviction par les European Voices, nettement plus en situation que dans les pages de Purcell données au Théâtre des Champs-Élysées en mars dernier (l'ode Come Ye Sons of Art et Didon and Aeneas, sous la direction un peu brouillonne d'Emmanuelle Haïm). Plus homogène - même si les pupitres masculins dominent des sopranos franchement ternes - et précis, l'ensemble rend justice à l'ultime chef-d'oeuvre de Joseph Haydn. Dommage que les solistes rivalisent de mollesse et d'ennui. Souffrant, John-Mark Ainsley a déclaré forfait, Jeremy Ovendem, impeccable styliste, mais affublé d'un timbre ingrat, le remplace ; hélas. Coincée entre le soprano étriqué et sans charme de Susan Gritton et les graves sourds de David Wilson-Johnson, Rinat Shaham parvient sans peine à se distinguer de ses mornes partenaires. Plus à l'aise dans les passages recueillis ou contemplatifs ("Domine Deus, rex caelestis" [Gloria], Agnus Dei, illuminé par des vents enchanteurs), le quatuor a la jubilation tiède (Sanctus). Un musicien de la trempe de Simon Rattle mérite mieux, beaucoup mieux. Mais si la réalisation déçoit partiellement, les hardiesses, parfois déroutantes, du chef stimulent notre imagination et enrichissent notre écoute. C'est déjà beaucoup. Le public ne s'y trompe, qui réserve un triomphe aux artistes.
 
 
 

Bernard Schreuders
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