Tout a été dit et redit
sur cette vision de la Belle Hélène de Jacques Offenbach
par l'équipe Minkowski/Pelly : l'intelligence et la drôlerie
de la mise en scène, l'adéquation parfaite de la direction
de Marc Minkowski à la musique d'Offenbach, le talent des musiciens
du Louvre-Grenoble et des choeurs des musiciens du Louvre, la qualité
du chant, du jeu et de la diction des solistes. Un disque a été
réalisé, qui fait dorénavant figure de référence,
ainsi qu'un DVD. Une captation vidéo a été diffusée
à la télévision française pour les fêtes
de fin d'année.
Excepté au fin fond de la Patagonie,
il semble donc improbable que quiconque n'ait jamais entendu les fameux
rois barbus qui s'avancent-bu qui s'avancent, vu dame Felicity Lott en
chemise de nuit mauve ou Yann Beuron montrant une partie de son anatomie.
Dans ces conditions, il paraît
exclus de faire du neuf avec du vieux, c'est à dire de rédiger
une critique qui ne sente pas le réchauffé, sauf à
se concentrer sur les changements de distribution de cette reprise.
Le premier est d'importance, puisqu'il
s'agit du rôle titre. La délicieuse Felicity Lott est ici
remplacée par la capiteuse Katarina Karnéus. La prise de
rôle de cette dernière avait suscité bien des interrogations,
car il s'agit d'une chanteuse qui se produit relativement peu en France,
et le texte parlé est important. Cependant, ceux qui se souvenaient
de ses Rosine et Carmen à l'Opéra Comique lui accordaient
toute leur confiance, et ils avaient raison.
Katarina Karnéus, très
intelligemment, joue dans un autre registre que la très british
Felicity Lott, et incarne ici une Hélène pulpeuse, voluptueuse,
à la limite de la nymphomanie, pleine d'énergie (elle court,
se jette sur le lit...) voire par moments carrément déjantée
! La voix est ronde, pleine et sensuelle, la prononciation du français
parfaite. A l'issu du spectacle, il est impossible de choisir entre l'une
ou l'autre cantatrice, tant leurs interprétations sont différentes
mais tout aussi excellentes.
S'agissant d'une jeune chanteuse pleine
d'avenir, on aimerait pouvoir dire aussi de Stéphanie d'Oustrac
qu'elle a fait oublier Marie-Ange Todorovitch en Oreste, hélas !
ce n'est pas possible. L'allure scénique est parfaite, mais la diction
n'est pas excellente, et le chant, sans démériter, n'intéresse
pas vraiment. C'est navrée que l'on glisse sur le sujet, en espérant
une autre fois meilleure confirmation de ce jeune talent...
Terminons ce compte-rendu par une remarque
attristée sur le manque de courtoisie de la direction du Châtelet,
qui a renvoyé Tracey Welborn dans ses pénates sans tambours
ni trompettes après la deuxième représentation. Celui-ci
devait alterner avec Yann Beuron en Pâris, et sa prestation a provoqué
quelques huées, ce qui fût apparemment suffisant pour le congédier
sans préavis. Que ce chanteur ait été ou non capable
de bien interpréter le rôle n'est pas vraiment la question,
la direction ayant bénéficié de trois semaines de
répétitions pour s'apercevoir d'un éventuel problème.
Pour la petite histoire, Tracey Welborn n'a pas réussi à
rentrer chez lui pour les fêtes de fin d'année, et a passé
Noël seul à Paris... et sans engagement. Joyeux Noël,
M. Welborn !
Catherine Scholler