C O N C E R T S 
 
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AIX-EN-PROVENCE
15/07/04

© Elisabeth Carecchio
Hercules

G.F. HAENDEL

Drame musical en trois actes, HWV 60
Texte de Thomas Broughton
Créé le 5 janvier 1745 au King's Theatre, Londres 

Nouvelle production du Festival d'Aix-en-Provence
en coproduction avec l'Opéra National de Paris
et les Wiener Festwochen
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Direction musicale : William Christie

Mise en scène : Luc Bondy
Décors : Richard Peduzzi
Costumes : Rudy Sabounghi
Lumières : Dominique Bruguières

Hercules, William Schimmell (baryton)
Dejanira, Joyce  Di Donato (mezzo)
Hyllus, Toby Spence (ténor)
Iole, Camilla Tilling (soprano)
Lichas, Malena Ernman (mezzo)

Choeur et orcheste des Arts Florissants

Aix-en-Provence, 15 Juillet 2004


Après les troubles syndicaux, les intermittents dans les rues, les chanteurs empêchés de chanter et les chahuts organisés, bref, les regrettables annulations de l'été dernier, Aix tente de renaître et de tout oublier.

Difficile transposition à la scène d'un superbe oratorio de Haendel.

Un des spectacles phare de cette année, confié à deux très grandes pointures - William Christie et Luc Bondy - est la production scénique du Hercules de G. F. Haendel (1745), oeuvre en anglais, originellement écrite sous la forme d'un oratorio, mais on sait que chez ce compositeur, la frontière musicale entre l'oratorio et l'opéra est bien ténue.

L'argument, tiré de Sophocle, nous présente Déjanire qui se meurt de chagrin, croyant son mari Hercule mort à la guerre. Or le héros n'est pas mort ; il revient au bercail mais ramène avec lui une belle captive, la touchante Iole, dont il a rasé la ville et dont il a tué le père. L'immense chagrin de Déjanire, qui n'était que l'expression de son amour, se mue en une jalousie non moins spectaculaire, au point qu'elle en perd la raison. Hyllus, le fils d'Hercule, n'est pas insensible à la belle et fragile Iole que son père couvre de présents. Un cinquième personnage, Lichas, sorte de choeur antique à lui tout seul, commente l'action, recueille les confidences et fait avancer l'intrigue. Tentant par un sortilège de ramener son époux à la fidélité, Déjanire lui fait revêtir la tunique de Nessus et le fait mourir dans d'atroces souffrances. Jupiter intervient, unit Hyllus à Iole, et accueille le glorieux Hercule dans l'Olympe.


© Elisabeth Carecchio

Le traitement dramatique du livret est centré autour des sentiments de Déjanire face à la toute puissance du désir d'Hercule et nous vaut, de la part de Haendel, une musique sublime, d'un raffinement extrême, plus sobre qu'à l'habitude, économe de ses effets, mais terriblement efficace dans l'expression des souffrances et des passions. Les Arts Florissants et l'équipe de jeunes chanteurs que Christie a réunis forment une distribution très homogène et de très haut niveau : la mezzo américaine Joyce DiDonato, en Dejanire, et la soprano suédoise Camilla Tilling en Iole rivalisent de virtuosité dans les airs (redoutables) à vocalises, et réussissent chacune à construire un personnage émouvant et parfaitement caractérisé; l'autre Suédoise de la distribution, la mezzo Malena Ernman, campe un Lichas étonnament présent. Du côté des hommes, le ténor Toby Spence déploie une présence scénique, un charme rayonnant et des qualités vocales tout à fait convaincants dans le rôle du vaillant Hyllas. La seule petite déception vient de William Schimell, Hercule manquant un peu de puissance et de profondeur; pour un tel personnage, on attendait un chanteur plus spectaculaire.

Les choeurs des Arts Florissants, musicalement très actifs mais parfois en léger décalage avec l'orchestre, complètent la distribution vocale. Dans la fosse, les équipes de Christie font merveille, très attentives aux détails de la partition, à la délicatesse des nuances, soulignant la fluidité de la ligne vocale avec souplesse, alliant beaucoup de métier à beaucoup d'intelligence musicale; un vrai ravissement pour l'oreille et pour l'esprit.


© Elisabeth Carecchio

Nous sommes plus réservés sur la mise en scène de Luc Bondy, qui semble n'avoir pas trouvé le ton juste et qui a bien du mal à transformer en actions scéniques les longueurs d'un récit conçu pour un oratorio et essentiellement tourné vers la narration. Hésitant entre la représentation d'une tragédie grecque et celle d'un soap-opera américain, il transpose l'action à l'époque contemporaine, sans doute pour souligner l'universalité des sentiments et des passions, mais dans le même temps, il gomme toute hiérarchie dans les rapports entre les personnages et laisse aux oubliettes le sens de la grandeur et du renoncement, pourtant bien présents dans le texte. Sur le plan purement esthétique, l'absence presque totale de couleurs, les mouvements des personnages réduits à la portion congrue (seule la présence du choeur anime un peu l'espace), contribuent à la fadeur d'un spectacle sans grande originalité. Et les efforts pour meubler le plateau avec les morceaux épars d'un colosse de pierre, censé représenter les restes de la toute-puissance d'Hercule, ne suffisent pas à captiver le regard, face à la richesse musicale de la partition. Luc Bondy nous a habitués à des interprétations plus inspirées et surtout plus poétiques, et à une lecture plus subtile des sentiments humains.
 
 

Claude JOTTRAND


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Note :

Présentée en version concert à Beaune le 23 Juillet, cette production sera reprise à Garnier en décembre, puis à Vienne en juin 2005, à New-York en février 2006 et enfin au Barbican de Londres en mars 2006.

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