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PARIS
25/01/2007
Jacques Offenbach (1819-1880)
Les Contes d'Hoffmann
Livret de Jules Barbier
d’après le drame de Jules Barbier et Michel Carré
Mise en scène, Robert Carsen
Décors et costumes, Michael Levine
Lumières, Jean Kalman
Dramaturgie, Ian Burton
Mouvements chorégraphiques, Philippe Giraudeau
Chef des Chœurs, Peter Burian
Hoffmann, Janez Lotrič (le 25), Rolando Villazon
La muse/Nicklausse, Ekaterina Gubanova
Lindorf, Coppélius, Dr Miracle, Dapertutto, Franck Ferrari
Andres, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio, Christoph Homberger
Olympia, Sumi Jo (le 25), Patricia Petibon
Antonia, Annette Dasch
Giulietta, Nancy Fabiola Herrera
La mère d’Antonia, Marie-Paule Dotti
Nathanaël, Jason Bridges
Spalanzani, Christian Jean
Hermann, Sergei Stilmachenko
Schlemil, Yuri Kissin
Luther, Crespel, Alain Vernhes
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Direction musicale, Marc Piollet
Paris, Opéra Bastille, le 25 janvier 2007
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Deux forfaits mais pas de KO
Cette première n’augurait rien de bon dès avant le
début du spectacle, avec le forfait de Rolando Villazon,
principale attraction de cette reprise de la production montée
pour la première fois en 2000, et de la poupée de
Patricia Petibon, remplacés respectivement par Janez Lotrič et
Sumi Jo.
L’annonce du double forfait a d’ailleurs été
accueillie par des sifflets nourris d’une partie du public,
sifflets redoublés lorsqu’il fut indiqué que le
ténor n’avait pu répéter, étant
arrivé le jour même… Encore heureux qu’il
connaisse déjà cette mise en scène, ayant
chanté le rôle titre dans cette même production en
2000 ! On a vu conditions plus favorables pour une
première…
On ne reviendra pas sur la très belle production crée en
2000 puis reprise dès 2001, Robert Carsen y faisant montre de
son talent et de son imagination habituels (1), pour se concentrer sur la principale « nouveauté » du spectacle : les chanteurs.
Janez Lotrič a donc remplacé au pied levé Rolando
Villazon, qui avait assuré la générale… Ce
ténor slovène, beaucoup moins médiatique que son
confrère mexicain, n’est cependant pas un total inconnu
à Paris. Outre Hoffmann, on avait en mémoire un Arnold
dans Guillaume Tell de Rossini à Bastille (2), où il avait agréablement surpris, domptant avec panache la tessiture meurtrière du rôle.
On retrouve ce soir un chanteur qui ne peut prétendre au sex
appeal vocal d’un Rolando Villazon : le timbre est un assez
quelconque, le style un peu frustre. Il faut ajouter également
au chapitre des récriminations une émission dont la
stabilité n’est pas toujours parfaite, notamment dans le
medium et une prononciation du français parfois bizarre (3),
en tout cas peu intelligible sans le sur-titrage. Malgré cela,
l’impression d’ensemble est positive et Janez Lotrič fait
beaucoup mieux que sauver le spectacle : la voix impressionne par
sa vaillance, semblant à peine fatiguée à la fin
du spectacle, sans que le ténor n’ait donné
à aucun moment l’impression de se ménager dans ce
rôle long et exigeant. Janez Lotrič séduit
également par ses aigus, d’un éclat à faire
pâlir d’envie bon nombre de ses confrères
ténors. Ces qualités sont surtout manifestes dans les
ensembles, où la voix surnage avec aplomb, contribuant à
faire du trio entre Miracle, Crespel et Hoffmann un des sommets de la
soirée.
A côté de cette bonne surprise, quelques chanteurs sortent
du lot, dont l’excellente Ekaterina Gubanova en Nicklausse. La
voix pleine sur toute la tessiture et le timbre velouté se
combinent à d’excellentes qualités d’actrices
(ses imitations d’Olympia sont très drôles) et
à une prononciation du français remarquable pour en faire
un Nicklausse-Muse quasi idéal.
Le quadruple rôle du « méchant »
convient également plutôt bien à Franck Ferrari.
Son timbre très noir et son mordant deviennent des atouts ici,
quand ils pouvaient gêner dans d’autres rôles. On ne
pourra cependant s’empêcher de noter une surarticulation (4) qui met à mal le legato, et un aigu souvent couvert. Mais sa prestance physique lui permet finalement d’enlever la mise.
Les trois femmes ne sont pas inoubliables. On remarquera tout de
même la Giuletta de Nancy Fabiola Herrera qui, si elle n’a
pas l’opulence d’une Uria-Monzon, se rattrape par une
diction bien supérieure à cette dernière.
L’Antonia de Annette Dasch n’est pas vraiment critiquable
sur le plan vocal : le timbre est assez rond, la diction
correcte… pourtant elle reste étrangement pâle et
peine à faire exister la jeune fille exaltée par son le
chant. Sumi Jo, elle, se paie un grand succès auprès du
public en poupée, principalement dû au jeu de scène
inventé par Carsen… Car pour le reste, sa voix actuelle
ne correspond plus aux exigences du rôle, le volume sonore est
réduit, les suraigus parfois faux ne sont que de petits filets
de voix et les vocalises sont bien laborieuses. On lui sait gré
d’avoir accepté ce remplacement, mais en aucun cas elle ne
peut tenir la comparaison avec une Dessay ou une Rancatore qui ont
occupé ce costume avant elle.
Les autres rôles vont de l’excellent (le Luther
d’Alain Vernhes impressionnant d’autorité vocale et
de diction) au moyen.
Sur le plan orchestral, Marc Piollet ne laisse pas un souvenir
impérissable ; l’orchestre paraît un peu
brouillon et l’on note des décalages assez
fréquents entre la fosse et la scène, notamment avec les
choeurs.
Au bilan on aura assisté à une reprise très
honorable mais guère indispensable. En aurait-il
été autrement avec les chanteurs prévus
initialement ? Rien n’est moins sûr… Mais il faudra
attendre le rétablissement de Rollando Villazon pour en avoir la
certitude.
Antoine BRUNETTO
Notes
(1) On peut citer par exemple sa vision
d’Olympia en poupée nymphomane, mais aussi un très
bel acte d’Antonia, où l’héroïne est
littéralement déchirée entre la pénombre de
la fosse d’orchestre et l’éclat de la scène.
(2) En alternance avec Marcello Giordani.
(3) Qui aurait vraisemblablement pu être améliorée par quelques répétitions…
(4) Avec notamment des « A » très ouverts.
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