C O N C E R T S 
 
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METZ
21/05/05
Paul Van Nevel
© Foto archief GVA
Le contrepoint improvisé aux XVe et XVIe siècles

Huelgas Ensemble
Paul Van Nevel

Antoine Brumel
Fors seulement, a 4
Agnus Dei "Berzerette Savoyarde" a 4
Agnus Dei "Et Ecce Terrae Motus "

Mathurin Forestier
Agnus Dei "Bise moy"

Jacobus de Kerle
Agnus Dei "Ut-re-mi-fa-sol-la" a 7

Giovanni Pierluigi da Palestrina
Agnus Dei "Ut-re-mi-fa-sol-la-si" a 6 & 7

Johannes Ghiselin
O Florens Rosa, a 3

Alexander Agricola
Gaudeamus Omnes, a 2
Virgo Sub thereis, a 3
Agnus Dei "in minem zin", a 4

Guillaume Dufay
Gaude Virgo Mater Christi, a 6

Thomas Ashewell
Gloria Ave Maria, a 6

Metz, Saint-Pierre-aux-Nonnains
Samedi 21 mai 2005

Il est des concerts miraculeux dont on sort sur un nuage tant l'adéquation entre les oeuvres, les interprètes et le lieu a été totale. Le temps et l'espace tendent alors à se faire oublier, et l'on a l'impression d'avoir vécu une expérience plutôt que d'être allé à un simple concert.

On connaît l'excellence de Paul van Nevel et de son choeur, le Huelgas Ensemble. Leur rôle dans la redécouverte d'oeuvres rares du moyen âge jusqu'à la Renaissance, notamment le répertoire, extrêmement difficile techniquement, de l'Ars subtilior, cette période charnière entre le XIVe et le XVe siècles. De nombreux disques ont émaillé ce travail passionnant, dont quelques-uns des jalons les plus marquants sont l'intégrale des motets isorythmiques de Guillaume Dufay (Harmonia Mundi) ou le disque consacré à des oeuvres magnifiques de Mattheus Pipelare (Sony).
On reconnaît surtout à travers tous ces enregistrements un son typique : rond, lisse mais plein. On le retrouve tel quel en concert. Les chanteurs font montre d'une maîtrise impeccable et extrêmement impressionnante de leur voix. La justesse n'est jamais prise en défaut (ce qui, pour un programme entièrement a capella est remarquable) mais surtout, l'homogénéisation de l'ensemble est stupéfiante, à tel point que l'on a l'impression d'entendre un "orgue humain" alimenté par une soufflerie infinie et actionné par un seul musicien.

C'est bien sûr à Paul van Nevel que l'on doit cette impression incroyable. La direction est minimale (mais le répertoire n'en exige pas plus), le tactus très net, l'attention aux chanteurs extrême. Surtout, on constate une direction plus vivante que dans les premiers disques de l'ensemble. Le discours s'emporte parfois dans des envolées que concluent des cadences magiques, on a l'impression alors de suivre le son dans son ascension vers la charpente de l'église Saint-Pierre-aux-Nonnains, un lieu qui participe grandement au sentiment de plénitude qui envahit l'auditeur. Considérée comme la plus vieille église de France, la sobriété de l'architecture et du décor, la perfection de l'acoustique en font un joyau pour le répertoire médiéval, et le Huelgas Ensemble, en se plaçant en cercle au centre de l'église, ajoute encore à la magie de la soirée.

Le programme avait pour thème "Le contrepoint improvisé aux XVe et XVIe siècles". Il s'agit d'une pratique - appelée également "chant sur le livre" - où les musiciens avaient la liberté d'improviser ponctuellement une ligne mélodique à partir d'une série de notes en valeurs longues (la teneur). Les musiciens qui se lancent dans une telle aventure doivent faire preuve d'une grande connaissance du style mais aussi d'une technique vocale qui permette d'exécuter des vocalises tout aussi ardues que celles rencontrées dans certains répertoires plus tardifs. Une telle pratique nécessite également que chaque partie soit tenue par une seule voix, ce qui était très rarement le cas ce soir, où les chanteurs étaient le plus souvent par deux. De fait, les improvisations avaient été pensées à l'avance puis posées sur le papier. Il n'en reste pas moins que le travail de reconstitution est remarquablement pensé et qu'il nous offre des moments extraordinaires, comme ce "Gaudeamus Omnes" d'Alexander Agricola, où deux voix de femmes se lancent dans d'exubérants mélismes dont la perfection d'exécution laisse pantois. Les oeuvres retenues par Paul van Nevel étaient toutes d'un intérêt certain, avec les sommets absolus que constituent les pages de Brumel, Dufay ou Palestrina.

On l'aura compris, l'enchantement a été continu pendant cette soirée. Tout juste reprochera-t-on une articulation assez molle, et quelques parti pris discutables, comme cette teneur de la voix de ténor chantée par deux hommes et... une femme dans le "Gaudeamus Omnes" d'Agricola. On regrettera également l'absence de l'extraordinaire motet de Josquin, "Praeter Rerum Seriem" a 6 (dont 2 parties de basse), pourtant inscrit au programme. Bien peu de choses en regard des moments exceptionnels qu'il nous a été donné de vivre.
 
 

Pierre-Emmanel LEPHAY
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