En sortant de la
représentation d’Idomeneo, on reste perplexe : le
metteur en scène Ivan Fischer a-t-il perdu un pari stupide, ou
a-t-il voulu s’inscrire au Guinness book des records de la mise en
scène la plus kitsch ?
Certaines images restent
imprimés dans la mémoire, provoquant immédiatement le fou-rire le
plus irrépressible. Citons pêle-mêle : Susan Graham
emmaillotée dans des bandes Velpeau, un crane gigantesque
cachant un minuscule Mozart qui fait le grand écart, un angelot
tout doré, des danseurs sortis d’une salle culturiste gay, des
danseuses-sirènes à la queue frétillante, un monstre en carton
qui pêche à la ligne ses malheureuses victimes gigotant au bout de
leur fil, un mini-minotaure…mais la liste est vraiment trop
longue. Il y a toujours quelque chose à voir dans cette production,
quel dommage que ce ne soient que des horreurs !
Mais la véritable horreur,
celle qui ne fait vraiment pas rire, c’est la direction musicale
du même Ivan Fischer. Bruyant, lourd, empâté, poussif, l’orchestre
couvre constamment les chanteurs et accumule les décalages, que pas
un instant le chef ne songe à corriger. A aucun moment Ivan Fischer
ne vole au secours des chanteurs, livrés à eux-mêmes, obligés de
faire avec une mise en scène discutable et un orchestre hurleur et
ralentisseur. C’est à se demander s’il jette de temps à autre
un coup d’œil sur la scène.
Dans ces conditions, peut-on
reprocher à l’Ilia de Mary Mills de n’être à aucun moment la
jeune fille élégiaque qu’elle est censée incarner ?
Un tiers Walkyrie, un tiers
sorcière, un tiers femme du monde alcoolique, l’Elletra de
Christine Goerke n’est gâtée ni par ses costumes (on croirait qu’elle
a piqué les robes d’Ulrika Von Glott !) ni par la mise en
scène : à chacun de ses airs, quelque chose de drôle se
passe en arrière plan : tapis baladeurs, éclairs plus faux
que du carton-pâte, ptérodactyles en ombre chinoise…dans son
concours de décibels avec l’orchestre, elle a tendance à chanter
trop bas et sans dynamique.
Marius Brenciu revisite
Mozart, c’est à dire qu’il l’adapte à ses moyens. Nous
entendons ainsi un fuor del mar, sans une seule vocalise, toute
double-croche étant impitoyablement remplacée par une modulation,
par un tour de passe-passe, hop ! un enchaînement !
Reste heureusement Susan
Graham, qui demeure musicalement digne quoiqu’il arrive. Ses
cadences, lorsqu’enfin l’orchestre se tait, apportent un peu d’air
frais.
Ne soyons pas tout à fait injuste : il y
eut inexplicablement un moment de grâce au troisième acte, le
quatuor « soffrir piu non si puo » d’une belle
émotion. Preuve que peut être, un miracle aurait pu se produire…