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GENEVE
08/09/06
Claudio MONTEVERDI (1567-1642)
L’INCORONAZIONE DI POPPEA
Drame en musique en un prologue et trois actes
Livret de Francesco Busenello
Version de Cliford Bartlett, éditions King’s Music
Nouvelle production
Co-production avec le Théàtre de Caen
Mise en scène et décors, Philippe Arlaud
Costumes, Andrea Uhmann
Lumières, Philippe Arlaud et Jacques Ayrault
Chorégraphie, Anne-Marie Gros
Fortune/Drusilla, Martina Jankova
Vertu/Octavie, Marie-Claude Chappuis
Amour/Valet, Amel Brahim-Jelloul
Poppée, Maya Boog
Neron, Kobie Van Rensburg
Othon, Christophe Dumaux
Sénèque, Carlo Lepore
Nourrice d’Octavie,Sulie Girardi
Arnalta, Jean-Paul Fouchécourt
Demoiselle, Valérie MacCarthy
Lucain, Deuxième Familier et le Tribun, Emiliano Gonzalez Toro
Mercure/Licteur/Troisième Familier et le Consul, Luigi De Donato
Premier familier, Alexandre Kravets
Libertus/Premier Soldat, Hans-Jurg Rickenbacher
Deuxième soldat, Bisser Terziyski
Ensemble baroque du Grand Théâtre de Genève
Direction musicale, Attilio Cremonesi
Genève, BFM, le 08 septembre 2006
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Le couronnement de Poppers
Brillante ouverture pour la saison 2006-2007 à Genève, avec une version du Couronnement de Poppée qui
a remporté un vif succès auprès du public de la
première, tous interprètes confondus.
Dès le prologue, le ton est donné : la
présence d’un poste téléphonique mural et
d’un micro sur pied ainsi que les costumes datent la
transposition. C’est le vingtième siècle qui
servira de cadre temporel à la résolution du débat
dont l’amour est censé sortir vainqueur. Mais les
références au cinéma et au music hall, arts de
l’apparence et de l’éphémère, sont
autant de clefs : l’Amour lui-même se fait des
illusions, quand la Vertu est réduite à faire des
ménages et la Fortune soumise aux caprices de la vogue.
Dès lors l’entreprise de démystification est en
marche, avec une cohérence sans faille, jusqu’à la
scène finale, qui n’est plus l’acmé
d’un orgasme sublime mais la préfiguration d’un
enfer sado-masochiste fatalement destiné à mal finir.
Néron, dans une tenue de noces qui pourrait appartenir à
Zaza Napoli, force Poppée à quitter sa robe
d’apparat pour l’exhiber en sous-vêtements
affriolants type Madonna et lui impose une veste de coupe masculine.
Alors il s’offre à elle en spectacle tandis qu’ayant
relevé sa longue jupe fendue il tend sa croupe aux tribuns venus
rendre hommage. La réaction de Poppée
déchaîne la colère de Néron, qui se rue sur
elle et la roue de coups de poings et coups de pieds, en musique
naturellement. Elle gît, disloquée, tandis qu’il
s’éloigne dans les profondeurs du palais.
Auparavant, Néron est venu contempler le cadavre de
Sénèque, hommage flirtant avec la profanation, Othon et
Drusilla ont été supprimés alors même que
Néron venait de leur accorder son pardon et de consentir
à leur exil, et l’encombrant témoin des amours
impériales, l’entremetteuse Arnalta, a cessé de
vivre au fond d’une malle.
Celui que Poppée croyait dominer par les sens se
révèle ainsi scène après scène
conforme à sa légende noire. Délivré des
dernières contraintes, il peut désormais
s’abandonner à ses obsessions.
Cette vision est-elle provocante ? Sa logique interdit de le
penser ; le metteur en scène a seulement nourri le livret
de ce qui, encore non avenu, peut enrichir les situations et leur
donner une force immédiatement perceptible pour nous. Si son
entreprise est réussie, c’est qu’il a trouvé
dans les interprètes et le chef des partenaires ayant
joué le jeu à fond, sans restrictions.
Bravant
l’inconfort de certaines postures aux limites de la
décence mais justifiées par le contexte sans que le texte
soit forcé, Maya Boog et Kobie Van Rensburg incarnent
Poppée et Néron avec une conviction digne des plus grands
éloges. Elle est dépourvue de la douceur insinuante de
certaines consoeurs, mais rend quasiment palpables la
frénésie et l’avidité de l’ambitieuse.
Avec un ténor chantant à l’octave le rôle de
Néron, on perd en harmoniques, mais la scène finale prend
une force inconcevable autrement.
Superbe prise de rôle pour Carlo Lepore, dont la voix profonde et
agile a fait grande impression dans le rôle de
Sénèque. Marie-Claude Chappuis confirme ses
qualités dans une Ottavia qui semble la frustration
incarnée. Christophe Dumaux est un Ottone sans mièvrerie,
à la voix homogène et fermement projetée. Martina
Jankova, Fortune acerbe au prologue, devient ensuite une Drusilla
émouvante de fraîcheur et à la douleur poignante.
La Demoiselle de Valérie MacCarthy est pétulante à
souhait, comme la Nourrice de Sulie Girardi a la rondeur et
l’autorité nécessaires. Emiliano Gonzalez Toro se
joue désormais du rôle de Lucain, et Luigi di Donato est
un Mercure élégant. Les soldats, Hans-Jürg
Rickenbacher et Bisser Terziyski, semblent sortis d’un polar
satirique de série B.
Deux
mentions spéciales : Jean-Paul Fouchécourt a souvent
interprété Arnalta ; il réussit à
préserver son incarnation de la routine, aidé par deux
costumes qui en font d’abord une sœur des Vamps, puis un
clone de Nadine de Rotschild qui aurait oublié ses conseils
vestimentaires. La voix frappe par sa fraîcheur intacte.
Amel Brahim-Djelloul, quant à elle, séduit
d’emblée : Amour joli comme un cœur sous
l’apparence de Charlot, à peine modifiée pour
devenir Valletto, elle ravit par le charme d’un timbre
très pur, la musicalité de l’accent, et la
désinvolture scénique.
Attilio Cremonesi, à la tête des musiciens
rassemblés dans l’Ensemble baroque du Grand
Théâtre de Genève, seconde le plateau depuis le
clavecin chromatique placé au centre de la fosse. Le rythme de
swing qu’il imprime à l’orchestre tandis que
Néron se déhanche, les intermèdes destinés
à servir de lien et de support pour les chorégraphies
rythmant le travail des « esclaves »
préposés aussi bien au nettoyage qu’aux services
sexuels, le choix des instruments affectés au continuo
témoignent de son souci de réaliser une synthèse
des exigences musicologiques et des contingences du spectacle. Les
interminables applaudissements recueillis au rideau final devraient le
rassurer.
A l’affiche jusqu’au 28 septembre, cette production mérite le détour !
Maurice Salles
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