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NANCY 26/11/05
A. Cela ©
DR
Christoph Willibald Glück
(1714-1787)
Iphigénie en Tauride
Tragédie en quatre actes dédiée à Marie-Antoinette
Livret de Nicolas-François Guillard d’après Euripide
Créé le 18 mai 1779 à l’Académie Royale de Musique de Paris
Mise en scène, décors et costumes, Yannis Kokkos
Collaboration artistique, Anne Blancard
Collaboration à la mise en scène, Stephan Grögler
Lumières, Patrice Trottier
Maquillage et coiffures, Cécile Kretschmar
Assistante direction musicale, Merion Powell
Assistante décors, Muriel Trembleau
Assistant costumes, Christian Macé
Iphigénie, Alketa Cela
Oreste, Kevin Greenlaw
Pylade, Xavier Mas
Thoas, Franck Ferrari
Diane, Hiromi Omura
Une femme grecque, Valérie Debize
Première prêtresse, Laure Baert
Deuxième prêtresse, Julie Stancer
Un Scythe, Christophe Gay
Le Ministre de Thoas, Pascal Desaux
Etc
Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy
Chœur de l’Opéra de Nancy et de Lorraine
Direction musicale Jane Glover
Nancy, le 26 novembre 2005 |
Si ce
n’est une conventionnelle lieto fine assez improbable, Iphigénie en
Tauride enferme le spectateur dans un huis clos cauchemardesque, une obsession
sacrificielle que toute surenchère scénique risquerait d’affaiblir ou de
caricaturer. Le meurtre, l’angoisse du meurtre à accomplir, l’horreur des
meurtres accomplis, est un des personnages, quasi palpable, autant que le
spectre de Clytemnestre. Yannis Kokkos fait le choix de la noirceur et de la
sobriété, dans une époque indéterminée, laissant toute possibilité aux
chanteurs de concentrer la charge dramatique. Il enferme les personnages dans
un espace clos, une tombe modelée par des panneaux verticaux mobiles zébrés
comme la tempête, celle du cauchemar d’Iphigénie, ou des éclairages zénithaux.
Aucun échappatoire possible. Noir, archi-noir, décors et costumes, même Diane
est en noir, manipulatrice qui traverse régulièrement l’espace scénique,
apparition finale volontairement discrète, sans féerie, inquiétante même, mais
absolument pas libératrice. Seules touches contrastées, le blanc des spectres
et le rouge du sacrifice. Oppressante, mais double fidèle de l’inconscient
plombé des personnages, cette lecture permet de cheminer en toute complicité
avec le chant, et révèle l’absolue modernité de l’œuvre de Glück, son énergie,
sa violence.
Alketa
Cela, que l’on a connue en Mimi à Nancy et Metz, en Valentine des Huguenots de
Meyerbeer à Metz, en Tosca à Montpellier, possède le nécessaire art de la
déclamation tragique, même s’il est ici entaché par un français déficient qui
escamote les consonnes (le surtitrage est ici utile). Sa tessiture sombre
convient au drame et au lyrisme de Glück, mais peine dans les aigus (comme
dans « Malheureuse Iphigénie »). Mais elle emporte l’adhésion du public par sa
présence scénique et par le portrait qu’elle trace d’une femme torturée,
acculée au désespoir.
La
diction magnifique, la pureté de ligne, on la trouve dans le Pylade de Xavier
Mas, exemplaire de technique vocale et de timbre, et dans l’Oreste plus fruité
de Kevin Greenlaw. Très semblables de stature et de visage, ce que Kokkos
accentue encore par des costumes identiques, il offrent des duos fusionnels,
une vérité scénique bouleversante, et une très belle compréhension des nuances
psychologiques des personnages.
A leurs
côtés, le reste du plateau vocal est également excellent. Face à de tels
chanteurs, on n’en regrette que plus les redondances de l’énergique Jane
Glover, qui confond en permanence dramatisme et volume sonore, laisse parfois
s’installer une certaine confusion dans les chœurs (« Il a tué sa mère ») et
n’exploite pas les contrastes dynamiques. Trop présente, la fosse n’épouse
guère les subtilités de la scène et de la partition. Dommage.
Sophie Roughol
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