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PARIS
08/01/2008
Matthew Halls © DR
Georg Friedrich Haendel (1886-1943)
Israel in Egypt
Oratorio HWV 54
Introduction :
The lamentation of the Israelites for the Death of Joseph
Première partie : Exodus
Entracte
Deuxième partie : Moses’ song
Julie Cooper, Rebecca Outram, Julia Doyle, sopranos
Charles Humphries, contre-ténor
Mark Dobell, ténor
Ben Davies, Robert Macdonald, basses
The King’s Consort
Matthew Halls, direction
Paris, Cité de la musique,
le 8 janvier 2008, 20 heures
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Promesse tenue
Terres promises : le terme fait penser aux contrées
bibliques - Israël bien sûr - avant d’évoquer
le nouveau monde découvert par Christophe Colomb ou celui mis en
symphonie par Antonin Dvorak, et bien avant de suggérer
d’autres horizons encore plus lointains, ces ailleurs musicaux
qu’explore aujourd’hui Toru Takemitsu ou Jonathan Harvey.
Il apparaît donc logique qu’Israel in Egypt ouvre le cycle proposé par la Cité de la Musique du 8 au 19 janvier.
Logique et bienvenu car l’oratorio d’Haendel moins aimé que son cadet, le Messie,
occupe rarement l’affiche. A vrai dire, cela ne surprend pas.
L’œuvre, dans sa version originale de 1739, ne peut
dissimuler son défaut d’équilibre. Ce n’est
pas une question de structure – 39 mouvements réparties en
3 parties à peu près égales la composent –
mais plutôt un problème de proportion. Sur les 39
mouvements, 28 sont dévolus aux seuls chœurs. Restent, en
plus de l’ouverture, 4 arias simples (sans da capo) et 4 duos,
tous à une exception placés dans la dernière
partie. A la recherche de nouvelles formules pour séduire un
public devenu rétif aux voluptés de l’opera seria, Haendel aurait imaginé Israël en Egypt afin de faire un usage plus large de l’antienne funèbre The way of Zion Do Mourn
composée deux ans auparavant. Reprise en l’état ou
presque, elle tient lieu de première partie à
l’oratorio. Les deux autres parties, Exodus (L’Exode) et Mose’s Song
(Cantique de Moïse), furent fabriqués rapidement à
partir de morceaux préexistants, certains empruntés
à d’autres compositeurs. Ce collage hâtif
transparait donc à l’écoute. Immobile dans un
premier temps, la partition s’anime ensuite pour narrer la
libération du peuple juif au point qu’on a
l’impression de deux œuvres distinctes. L’usage tend
donc à supprimer toute la première partie pour la
remplacer par l’ouverture de Salomon ou par le Concerto pour
orgue n° 13. John Eliot Gardiner lui-même a
préféré dans l’enregistrement qui fait
aujourd’hui référence séparer franchement The way of Zion Do Mourn du reste de l’oratorio et ne conserver que la sinfonia comme introduction.
Matthew Halls se montre plus intrépide en choisissant d’interpréter Israël in Egypt
dans son intégralité, tel qu’Haendel l’avait
voulu. D’autres n’auraient pas osé prendre ainsi le
risque d’endormir le public mais le chef a pour lui
l’audace de la jeunesse. Et sa vigueur, qui ne signifie pas ici
agitation et brusquerie mais vitalité, éloquence,
force... Il lui aurait pourtant été facile de
céder à la tentation du dramatisme afin de mieux franchir
le mur des lamentations des israélites, abuser des contrastes en
intensifiant l’éclairage des « How is the
mighty fall’n » ou en noircissant « Their
bodies are buried in peace ». La partition ensuite - on
l’a déjà dit – se fait plus dynamique mais
présente d’autres dangers, celui par exemple de se laisser
emporter par le pittoresque du récit des plaies d’Egypte
et de se retrouver ensuite à court de verve. Autant de trappes
que Matthew Halls évite pour, d’un geste coulé,
tirer parti de la beauté du son et de la musicalité de
son instrument : l’orchestre et les chœurs.
D’un côté donc l’orchestre remarquable de
précision. Les cuivres – ô miracle – ne
défaillent jamais, preuve que les écarts de justesse ne
sont pas toujours une question d’âge (The King’s Consort joue sur instruments d’époque). Les occasions de déraper ne manquent pourtant pas : Israël in Egypt
fait appel aux trombones dans 13 des mouvements et aux trompettes dans
6. De cet accompagnement orchestral d’une rare puissance pour
l’époque, on retient évidemment le pouvoir
d’évocation des dix fléaux : les grêlons
qui s’abattent en rafales sur le Nil, le sifflement des criquets
à travers les cordes… Mais au-delà de
l’anecdote, c’est le sens de la narration dans sa
totalité qui fait la valeur de l’interprétation, la
manière dont l’orchestre participe au récit au lieu
de simplement l’accompagner.
De l’autre côté, les chœurs
également remarquables de franchise. L’écriture les
pousse pourtant dans leur retranchements jusqu’à les
diviser la moitié du temps selon la technique des cori sprezzati
qu’Haendel importa d’Italie. Elle ne leur épargne
aucun effet : fugue, double fugue, coloratures, antiphonie…
Mais ni la science, ni l’esprit ne leur posent problème.
On sent que ce répertoire leur est naturel, comme inscrit dans
leurs gênes, avec, dans la composition des tableaux sonores, une
propension à fondre les couleurs plutôt que les poser
crûment à plat sur la toile sonore.
D’un côté l’orchestre, de l’autre les
chœurs ? Non, tous ensemble, unis comme un seul homme
derrière leur chef dans une partition qui leur fait la part
belle au point d’en oublier les solistes. Rien
d’étonnant alors à ce que ces derniers soient issus
du chœur plutôt que vedettes à part entière.
A peine si on sait qui chante quoi. On devine que le programme les
mentionne dans l’ordre de passage et de position sur la
scène (de gauche à droite) ce qui permet
d’apprécier, sauf erreur, la probité du
ténor Mark Dobell, le timbre et la tenue de la basse Ben Davies, l’accord entre les deux sopranos, Julie Cooper et Rebecca Outram,
dans un « The Lord is my strength » fusionnel, la
ferveur des « Sing ye to the Lord » lancé
au ciel par une Julia Doyle
enfin délivrée (son air « Thou dids’t
blow », dix numéros auparavant, l’avait
montrée sous un jour autrement timide) et dont la voix sonne,
pour nous lyricomanes, comme une promesse. A chacun sa terre promise.
Christophe RIZOUD
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