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PESARO
19/08/06
© Amati Bacciardi
Gioachino Rossini (1792 – 1868)
L’ITALIENNE A ALGER
Dramma giocoso en deux actes (1813)
Livret d’Angelo Anelli
Mise en scène, décors et costumes : Dario Fo
Lumières : Franco Marri
Mustafa : Marco Vinco
Elvira : Barbara Bargnesi
Zulma : José Maria Lo Monaco
Haly : Alex Esposito
Lindoro : Maxim Mironov
Isabella : Marianna Pizzolato
Taddeo : Bruno de Simone
Orchestre du Théâtre communal de Bologne
Chœur de chambre de Prague
Direction musicale : Donato Renzetti
Pesaro, BPA Palas, le 19 août 2006, 20h
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Dario Fo son cirque
Le rire est fragile ; les plus adroits de ses artisans ne sont pas
sans l’ignorer, Rossini en tête qui, de La cambiale del
matrimonio au Comte Ory, s’attacha à en tirer toutes les
ficelles avec le génie qu’on lui (re)connaît. Dario
Fo ne démontre pas la même adresse, tout au moins dans
cette Italienne à Alger,
déjà présentée à Pesaro en 1994. Le
metteur en scène lombard finit même, à force de
surenchère, par briser le mécanisme comique du dramma giocoso.
Car rien ne sert de multiplier les gags, encore faut-il qu’ils
arrivent à point. C’est là toute la
difficulté de l’exercice.
Dès l’ouverture, la scène s’agite en vain.
Sur une mer déchaînée, représentée
par trois rangées de tissus ondulant, les poissons volent, les
oiseaux planent, les pêcheurs vont et viennent sans que leurs
mouvements affolés obéissent au rythme de la musique. Le
ton est donné ; il ne variera hélas pas. Durant tout
le spectacle, des animaux apparaissent, des objets passent, des
éléments du décor bougent, montent ou descendent,
sans raison, en plein milieu d’un numéro,
jusqu’à finir par distraire le spectateur sans pour autant
l’amuser. Seule l’intrusion de l’équipe de
football italienne durant le rondo « pensa a la
patria » parvient à dérider la salle.
Les chanteurs, eux-mêmes dérangés par ce
branle-bas, peinent à habiter leur personnage ; les
protagonistes en premier lieu. Marco Vinco possède la bravoure
et l’agilité jusqu’aux redoutables sol aigus des
« pappataci » ; son Mustafa ne prend
pourtant jamais corps, ni vraiment ridicule, ni terrible, pas
même pitoyable.
La coquetterie d’Isabella fait cruellement
défaut à Marianna Pizzaletto. Elle a beau ne pas
démériter ; il ne suffit pas de mettre le poing sur
la hanche pour incarner la pétillante séductrice. A
défaut, se dessine l’amoureuse intrépide lors
d’un vibrant « per lui che adoro » qui,
l’espace de la cavatine, fait mouche.
Le bonheur se trouve plutôt du côté des conprimari.
Maxim Mironov, dont le charme s’apparente à celui de Juan
Diego Florez - voix légère et souple, à
l’émission haute et au timbre gracieux - s’affirme
à l’applaudimètre comme le grand triomphateur de la
soirée.
On regrette qu’Alex Esposito en Haly ne soit pourvu que
d’un seul air, qui plus est di sorbetto. Malgré ce maigre
bagage, son naturel et sa jeunesse emportent la mise. Le nom est
à suivre.
Mais de tous les interprètes, Bruno de Simone, bien connu des
habitués du festival, est le seul à véritablement
posséder l’esprit du maître des lieux. La voix ne
dispose pas de qualités particulières si ce n’est
l’articulation et l’impact de la projection mais
l’interprétation, désopilante, emporte tous les
suffrages.
Le chef d’orchestre, Donato Renzetti, est un habitué de l’Italienne à Alger
– il la dirigeait déjà au même endroit en
1981 et 1982 – trop peut-être. Sa direction s’inscrit
dans une certaine routine, vive et précise mais sans jamais
vraiment céder au vent de folie qui balaye la partition.
Au final, des applaudissements nourris récompensent les
chanteurs et les musiciens tandis qu’une volée de
« Bouh » typiquement italiens sanctionne les
élucubrations du metteur en scène. Normal, le
génie comique de Rossini est suffisamment évident sans
qu’il faille en redoubler les effets. La scène du
café aurait dû rappeler à Dario Fo le slogan
publicitaire Maxwell, fameux en son temps, qu’il aurait fallu,
dès la première cuillère, appliquer à la
lettre : « ce n’est pas la peine d’en
rajouter ! ».
Christophe Rizoud
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