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STRASBOURG
23/04/2004
Valentina Kuzerova
Gioacchino ROSSINI (1792-1868)
L'Italienne à Alger
Drame burlesque en deux actes
Livret d'Angelo Arielli
Direction musicale : Cyril Diederich
Mise en scène : Christof Loy
Reprise de la mise en scène
: Volker Böhm
Scénographie et costumes :
Herbert Murauer
Reprise des éclairages : Volker
Veinhart
Mustafa : Denis Sedov
Elvira : Oriana Kurteshi
Zulma : Violetta Poleksic
Haly : Nicolas Testé
Lindoro : Juan José Lopera
Isabella : Valentina Kutzarova
Taddeo : Domenico Balzani
Clavecin : Cornelia Huberti
Choeurs de l'Opéra national
du Rhin
Orchestre Symphonique de Mulhouse
Vendredi 23 Avril 2004
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S'il est une oeuvre qui ne se prête
guère à la distanciation brechtienne, c'est bien l'Italienne
: comment imaginer un autre contexte à cet opéra bouffe que
celui du livret, cet Orient imaginaire et caricatural qui n'a d'égal
que le typage outrancier des personnages occidentaux ? Comment transposer
Mustafa, Kaimakan ou Pappataci sous d'autres cieux ? Pour autant, les subtilités
de la farce troussée par Arielli et Rossini sont ici habilement
soulignées : puisque Orient il y a, restons-y ; mais amusons-nous
! Deux crocodiles plutôt placides à cour, harem en burka (on
frise le contresens), un groupe de touristes capturés par des émules
de Khadafi en treillis (l'humour grince un peu pour certains...), Lindoro
comme homme à tout faire du harem et dont le balai, au cours du
premier air, se transforme tour à tour en guitare électrique
et micro baladeur, distribution de chewing-gums par Isabella... Anecdotes
et clins d'oeil, soit, car tout repose sur le jeu scénique, mais
qui ne masquent pas la profondeur du propos : le divertissement dépeint
des personnages intemporels dans leur humanité simple, débonnaire
ou roublarde, modeste ou prétentieuse ; chacun doit affronter une
situation peu banale, dont la vraisemblance relative est peu de choses
en regard de la richesse des réactions qu'elle suscite. Et la nécessaire
mise en cause de l'égocentrisme de chacun aboutit irrémédiablement,
par une mécanique dramatique incroyablement bien huilée,
au délire collectif (les sextuors...). Efficace et maîtrisée
jusque dans ses débordements, la mise en scène de Christof
Loy, créée à Düsseldorf, bénéficie
aussi de tempéraments scéniques exceptionnels et de l'équilibre
d'un plateau vocal qui ne recèle aucune faiblesse notoire.
On aimerait en dire autant de l'orchestre...
Hélas, un ouverture bien fragile n'est que le prélude à
une série de défaillances, dont la moindre n'est pas l'impossibilité
patente de suivre les tempi demandés par Cyril Diederich,
un peu débordé, dans les ensembles : chacun aura son décalage,
plus ou moins accentué. Et il faut tout le talent des jeunes chanteurs
pour que parfois le harem ne sombre pas, comme dans le sextuor de l'acte
1...
Malgré un premier air "Languir
per una bella" instable (mais aussi, quelle difficulté semée
là par Rossini, d'entrée !), Juan José Lopera fait
merveille dans le personnage de Lindoro, vocalement et scéniquement,
surtout dans l'acte 2. Avec un Mustafa merveilleusement distancié
et subtil, Denis Sedov (lui aussi moins à l'aise dans sa première
intervention, un peu poitrinée, que par la suite), et Domenico Balzani
tout aussi efficace en Taddeo falot, la scène du Pappatacci est
un sommet.
Mais la reine de la soirée est
sans conteste l'Isabella de Valentina Kutzarova, déjà remarquée
dans le Siroe de Haendel. Élégante, tendre et facétieuse,
roublarde et maîtresse de ce jeu de dupes, la mezzo s'amuse avec
délices, tout en déployant un chant efficace et de plus en
plus libre. La voix est bien placée et homogène, la projection
ferme, la diction claire (air patriotique), l'ornementation belcantiste
se garde sagement de pyrotechnies excessives. Un talent à suivre
et une soirée que l'on dédiera, plutôt qu'à
un orchestre insuffisant et plombé, à une belle bande de
comédiens-chanteurs, peut-être un peu prudents face au bel
canto rossinien, mais diablement efficaces sur scène.
Sophie ROUGHOL
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