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PARIS
16/02/2007
© DR
Jacques Fromental Halévy (1799-1862)
La Juive
Opéra en cinq actes (1835)
Livret d’Eugène Scribe
Coproduction avec De Nederlandse Opera
Direction musicale : Daniel Oren
Mise en scène : Pierre Audi
Décors : Georges Tsypin
Costumes : Dagmar Niefind
Lumières : Jean Kalman
Chorégraphie : Amir Hosseinpour
Dramaturgie : Willem Bruls
Chœurs préparés par Alessandro Di Stefano
Eléazar : Neil Shicoff
Rachel : Anna Caterina Antonacci
la Princesse Eudoxie : Annick Massis
le Cardinal de Brogni : Robert Lloyd
Léopold : John Osborn
Ruggiero : André Heyboer
Albert : Vincent Pavesi
Héraut d’armes de l’Empereur : Jian-Hong Zhao
Officier de l’Empereur : Etienne Lescroart
Hommes du peuple : Christian-Rodrigue Moungoungou,
Marc Chapron
Le bourreau : Slawomir Szychowiak
Danseurs, mimes, figurants
Chœurs et orchestre de l’Opéra National de Paris
Paris, Opéra Bastille, le 16 février
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La grâce tutélaire...
Fleuron du Grand Opéra à la française, et chef d’œuvre de Jacques Fromental Halévy, La Juive est enfin de retour sur les planches de la Grande Boutique.
Afin de mettre en évidence la portée universelle de
problèmes tels que la haine raciale et le fanatisme religieux,
Pierre Audi ne situe pas précisément l’action, une
gigantesque structure métallique et ses deux répliques de
verre figurant tour à tour une cathédrale, la maison
d’Eléazar, le Palais d’Eudoxie ou encore un cachot.
Ce n’est qu’à l’acte V, quand sonne la marche
funèbre, que cet imposant décor abstrait fait place
à un plancher grillagé, immense, nu et
désolé, qui s’embrasera lors de l’aveu final
d’Eléazar ; l’effet est saisissant. Les
protagonistes évoluent dans cet environnement avec une belle
lisibilité, l’accent étant mis notamment sur
l’ambiguïté des rapports entre Rachel et Brogni
(l’étreinte du IV, forcément émouvante), et,
naturellement, sur l’emprise exercée par la religion sur
ses sujets. Dommage, dans ce contexte, qu’une grève nous
ait privée des lumières de Jean Kalman – dommage
aussi que Gérard Mortier n’ait pas jugé utile
d’en informer le public !
Le plateau n’a pas semblé déstabilisé par
cet incident, c’est le principal. De toute évidence, les
deux femmes triomphent ; superbe, Annick Massis est une Eudoxie
élégamment anxieuse, s’investissant avec aplomb
dans le spectacle et mettant la salle à ses genoux grâce
à son étourdissante virtuosité. Pour Anna Caterina
Antonacci, l’affaire est toute simple : c’est un
rôle en or qu’elle vient de trouver en Rachel ! Du respect
craintif d’une petite fille élevée dans la
défiance jusqu’au renoncement total à la vie, de la
rage de la femme trompée jusqu’au sacrifice mystique,
c’est à un véritable cheminement humain que nous
convoque la soprano italienne, modèle de maturité et
d’intelligence. Du très grand art ! Eléazar,
quant à lui, pose un peu plus de problèmes. Au soir de sa
longue carrière, Neil Shicoff doit s’accommoder d’un
timbre grisonnant et d’un français pâteux,
qu’il pare de ports de voix et de coups de glotte pour le moins
douteux. Mais avec le vieil orfèvre juif, qui ne requiert pas le
rayonnement d’un jeune premier, le ténor américain
parvient une fois de plus à nous bouleverser, utilisant toutes
les ressources que lui offre son fameux engagement scénique. De
fait, contrairement à un spectateur trop bruyant et mal
dégrossi, on ne trouvera pas « très
exagérée » la longue ovation suivant
« Rachel, quand du Seigneur… ». A moindre
échelle, le cas Robert Lloyd est sensiblement le
même : si on se promène, le plus souvent, dans un art
hybride, mi-chant, mi-sprechgesang, les blessures et la dignité
du Cardinal s’avèrent poignantes. John Osborn, voix
homogène et aigus sonores, est un excellent Léopold, et
André Heyboer est un puissant Ruggiero. Le reste de la
distribution, comme les chœurs très sollicités dans
cet ouvrage, sont tout aussi enthousiasmants, et dans la fosse aussi,
on assiste à une prestation idéale, Daniel Oren
embarquant l’Orchestre de l’Opéra dans un souffle
quasi-épique, qui enflamme la partition d’Halévy
tout autant qu’il respecte les chanteurs.
Alors, malgré des coups de ciseaux et des tripatouillages qui
n’avaient pas besoin d’être si nombreux (cabalette
d’Eléazar, Boléro d’Eudoxie, chœurs,
ballets, final du III,…), réjouissons-nous !
Portée par cette tension jamais rompue qui fait les grandes
soirées d’opéra, et sous les interminables
acclamations d’un public conquis, « la
Juive » vient de faire une entrée fracassante au
répertoire de l’Opéra Bastille.
Clément TAILLIA
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