C O N C E R T S
 
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Théâtre Royal de la Monnaie, Bruxelles

30/10/2001

 
Kat'a Kabanova

Leos Janacek

Direction musicale : Sylvain Cambreling
Mise en scène : Christoph Marthaler
Décors et costumes : Anna Viebrock
Eclairages : Olaf Winter
Chorégraphie : Thomas Stache
Chef des choeurs : Renato Balsadonna

Orchestre Symphonique et Choeurs de la Monnaie

Dikoj : Henk Smit
Boris : Grigorjevic David Kuebler
Marfa Kabanová (Kabanicha) : Livia Budaï-Batky
Tichon Ivanyc Kabanov : Hubert Delamboye
Kát´a Kabanová : Angela Denoke
Vána Kudrjás : Rainer Trost
Varvara : Christine Rice
Kuligin : Marcus Jupiter
Glasa : Caroline De Vries
Feklusa : Beata Morawska

 


Gérard Mortier, Sylvain Cambreling et Bernard Foccroulle ont sans doute compris - mieux que tout le monde - à quel point la musique de Janacek était fabuleuse. Ainsi depuis le début des années 80 et jusqu'à ce jour, la Monnaie nous a offert de très belles productions : La petite renarde rusée en 1986, Jenufa en 1987 et 1991 avec Anja Silja dans une lecture de Sylvain Cambreling, Le journal d'un disparu en 1990 toujours avec Cambreling ; Cambreling qui dirigera la Sinfonietta dans trois concerts différents en 1983 et deux fois en 1985 ; plus récemment une fabuleuse production de l'Affaire Makropulos avec Anja Silja, David Kuebler et Dale Duesing avec Peter Eötvös au pupitre et enfin deux Kat'a Kabanova, une en 1983 et celle d'aujourd'hui dont je parlerai abondamment plus tard. Qu'est-ce qui dans la musique de Janacek fascine les responsables de la Monnaie depuis maintenant vingt ans ? Sans doute cette inspiration mélodique héritée de la tradition populaire slave, sans doute ce prodigieux lyrisme, cette écriture vocale faite de grandes phrases chantées et une orchestration prodigieuse reconnaissable entre mille. Tout ceci fait de Janacek le grand oublié des compositeurs traditionnels, car avec de tels atouts il est temps qu'en terme de popularité on le range aux côtés de Verdi et de Wagner.

Cette petite revendication mise de côté, nous pouvons nous intéresser à la Kat'a nouvelle, co-produite par le Salzburg Festspiele, le Théâtre du Capitole de Toulouse et par la Monnaie. La direction artistique en a été confiée à Christoph Marthaler qui - avec Anna Viebrock - situe l'action dans un décor qui rappelle celui de Rear window d'Alfred Hitchcock : une cour d'immeuble sur laquelle donnent plusieurs fenêtres où nous assistons à la vie quotidienne des habitants. Un homme joue du violon, un couple se dispute et au milieu évoluent les quelques personnages du drame. L'esthétique adoptée dans le choix des costumes, des maquillages et des coiffures est une sorte d'apologie du mauvais goût des années 70 : robes à carreaux orange-brun, lunettes d'écaille, coiffures salaces plaquées à la gomina, robes sac, etc. La définition dramatique des personnages - le livret n'y est pas pour rien - est relativement linéaire : la méchante belle-mère, vieille, laide et lubrique, l'horrible tuteur qui partage tous les vices précédemment cités, le mari, triste et fade, le couple de jeunes amoureux tantôt épanouis (dans leur relation amoureuse) tantôt timorés (face à l'autorité), un amant de bonne composition mais finalement résigné et Katia, qui rêve de voler. Voilà donc l'exposition toute simple de cette femme mariée, tyrannisée par sa belle-mère, qui trouve dans une relation extraconjugale le moyen métaphorique de réaliser son rêve d'enfance : s'envoler.

Le casting réuni par la Monnaie est à deux détails près le même que celui du festival de Salzbourg et de l'enregistrement commercialisé par Orfeo d'oro (Jane Henschel remplacée par Livia Budaï et Dagmar Peckova - initialement prévue - remplacée par Christine Rice.) Les seconds rôles sont richement tenus, on se demande même ce qu'un ténor mozartien de l'envergure de Rainer Trost veut prouver en chantant Vania. Peu importe, puisqu'il le fait très bien. Inutile de détailler une à une les performances de chacun des interprètes tant on peut dire qu'elles se confondent dans un honnête travail d'équipe : tout le monde fait son travail, de Livia Budaï qui chante fort et mal à Henk Smit qui - peut-être - en fait un peu trop. Un mot tout de même sur le couple d'amoureux éperdus : David Kuebler, le rossinien repenti au timbre nasal et rugueux campe, comme dans L'affaire Makropulos l'année dernière, un jeune homme fragile flanqué d'une voix inesthétique à la technique parfaitement assumée. On s'émerveillera sans doute de la performance d'Angela Denoke qui - vraiment - est irréprochable vocalement, mais son rôle d'épouse coupable lui va - dramatiquement - assez mal. En gros, scéniquement, c'est très peu convaincant.

Reste le fabuleux orchestre de la Monnaie qui, dirigé par son ancien directeur musical, Sylvain Cambreling, se transcende et offre une lecture de l'oeuvre digne de sa partition.

Assurément en ce début d'année, ce qui aura surtout impressionné à la Monnaie, c'est l'orchestre, devenu un véritable petit bijou à bichonner précautionneusement.
 
 

Hélène Mante
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