C O N C E R T S 
 
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LANAUDIERE
16/07/05
© DR

Marie Nicole LEMIEUX

Orchestre Métropolitain du Grand Montréal
Direction : JoAnn Falletta

Hector Berlioz
Le Corsaire : ouverture

Ambroise Thomas
Mignon : "Connais-tu le pays où fleurit l'oranger"

Jules Massenet
Scènes alsaciennes n°3 : Sous les tilleuls

Gustav Mahler
Cinq lieder sur des poèmes de Friedrich Ruckert
Liebst du um Schönheit
Blicke mir nicht in die Lieder
Ich atmet' einem linden Duft
Um Mitternacht
Ich bin der Welt abhanden gekommen

Camille Saint-Saëns
Samson et Dalila : "Mon coeur s'ouvre à ta voix "
Samson et Dalila : Bacchanale

Manuel de Falla
Sept chansons populaires espagnoles
El pano moruno
Seguedilla murciana
Asturiana
Jota
Nana
Cancion
Polo

Amphithéâtre de Lanaudière
Samedi 16 juillet 2005 à 20 h

Marie-Nicole Lemieux, un chant dans la nature
 

L'époque où le Festival de Lanaudière présentait chaque été des opéras en version de concert est désormais révolue, mais les passionnés d'art lyrique peuvent toujours y entendre des récitals où alternent extraits d'opéras, lieder et mélodies. Chaque année, l'enchantement est au rendez-vous et de grands noms rehaussent la qualité de l'événement. Cette saison, Deborah Voigt, Ben Heppner, Jennifer Larmore et Mary Dunleavy s'y produisent, mais d'abord Marie-Nicole Lemieux dans ce récital contrasté. Son chant, mêlé le soir au dernier refrain des merles et à la stridulation des criquets qui s'éveillent pour la nuit, est en étroite symbiose avec la nature qui l'entoure. L'amphithéâtre de Lanaudière, à une cinquantaine de kilomètres de Montréal, permet en effet ce contact. Il se démarque d'ailleurs par de remarquables qualités acoustiques. Situé au bas d'une pente, le chapiteau, ouvert à l'arrière et sur les côtés, loge facilement 2000 personnes tandis que la pelouse extérieure peut en accueillir au moins autant jusque dans les hauteurs.

L'Orchestre Métropolitain du Grand Montréal (OM), appelé à remplacer l'Orchestre Symphonique de Montréal dont les musiciens sont en grève depuis le mois de mai, donne une prestation digne d'éloges. Même s'il n'a pas le souffle et le panache de son illustre voisin, l'OM se distingue par sa ferveur et la sincérité de son travail.  JoAnn Falletta (1) apporte souplesse  et vigueur à l'ouverture du Corsaire et à la bacchanale de Samson et Dalila sans en sacrifier les moments de poésie. Elle fait oublier l'académisme des Danzas Fantasticas de Turina en accentuant leurs aspects évocateurs. C'est toutefois dans l'extrait des Scènes alsaciennes de Massenet qu'elle permet à l'orchestre seul de trouver ses plus belles inflexions ; nous éprouvons autant d'émotion à en saisir la sensualité qu'il en met à l'exprimer.

Pour la partie vocale du concert, Marie-Nicole Lemieux est dans une forme éblouissante. Aucune faiblesse ne vient entacher son programme. Nous la connaissons davantage par ses prestations dans l'univers baroque, mais elle a le timbre et les moyens idoines pour aborder un répertoire bien plus vaste et qui nous amène jusqu'au XXe siècle.  Les deux extraits d'opéras français révèlent une voix plus ronde et plus chaleureuse que jamais.  Techniquement plus exigeant, Mon coeur s'ouvre à ta voix la montre parfaitement à l'aise sur toute l'étendue de cette page célèbre, du si bémol grave au si bémol aigu, dont elle maîtrise la ligne de chant de façon impeccable.  A la fin de la soirée, elle le donnera en rappel avec beaucoup plus d'émotion, à la mémoire du ténor québécois Richard Verreau, récemment décédé. Souhaitons maintenant qu'elle incarne le rôle sur scène.

Avec les lieder de Gustav Mahler composés sur des poèmes de Friedrich Rückert, elle évolue en territoire connu. L'enregistrement réalisé en 2000 après son premier prix au Concours Reine Élisabeth de Belgique, permet de mesurer le chemin parcouru. Accompagnée au piano par Daniel Blumenthal, elle livrait une exécution spontanée, mais quelque peu superficielle. Ici, avec l'orchestre, tout devient lumineux. Elle intériorise cette musique et la pensée qui s'en dégage avec beaucoup plus de profondeur. D'impeccables crescendos confèrent un relief saisissant à l'expression dramatique de certains lieder, alors que son timbre prend ailleurs une coloration et une ampleur inattendues.

Dans les Sept chansons populaires espagnoles de Manuel de Falla, la voix de Marie-Nicole Lemieux se love au soleil et aux rythmes de l'Espagne. La beauté élégiaque de ce cycle, son entrain, son pétillement et la fureur contenue dans la dernière chanson en font un grand moment d'émotion. Le grain du contralto prend ici une teinte chatoyante. Au sommet de son art, l'artiste déploie une palette de nuances infinies qui épouse les moindres modulations du texte. Sa personnalité s'affirme de plus en plus, comme le montre ce soir un abattage ébouriffant.

Nous avons déjà souligné la solide exécution du chef et de l'orchestre dans les parties symphoniques du concert. Le soutien de la soliste est tout aussi appliqué. Notons toutefois qu'à l'extrême fin du quatrième lied de Mahler, les musiciens couvrent complètement la chanteuse. Un détail minime dû sans doute à l'exaltation des musiciens.
 
 

Réal BOUCHER
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(1) JoAnn Falletta est la directrice musicale de l'Orchestre Philharmonique de Buffalo et de l'Orchestre Symphonique de Virginie. 
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