Laurent Spielmann, le nouveau directeur
de l'opéra de Nancy et de Lorraine, ne manque ni d'idées
(lire son interview dans Répertoire du mois de février),
ni d'audace. Il le prouve en mettant à l'affiche Jakob Lenz, opéra
de chambre de Wolfgang Rihm créé à Hambourg en 1979
et dont il avait proposé la création française au
festival Musica de Strasbourg en 1993 dans cette même production.
L'oeuvre met en scène les obsessions
et la démence du poète Jakob Lenz, ami de Goethe et auteur
des Soldats. Son histoire inspira à Büchner un drame dont s'est
inspiré le librettiste de cet opéra de chambre en treize
tableaux pour trois solistes, onze instruments, six choristes et deux voix
d'enfants. La partition ne se signale dans le panorama contemporain ni
par une grande originalité, ni par un pouvoir expressif particulier.
On peut cependant s'intéresser à la coexistence de formes
traditionnelles avec l'expressionnisme le plus exacerbé, ce qui
est insuffisant toutefois pour éviter un sentiment de monotonie
regrettable pour une oeuvre aussi courte (1h15 environ).
La mise en scène minimaliste
de Michel Deutsch s'inscrit dans un cadre des plus dépouillés
(un lit et un baquet pour tout décor) avec des lumières à
cru. Si l'on peut saluer la précision du travail d'acteurs, il faut
constater que le parti pris de simplicité de cette production n'aide
guère à saisir les intentions du livret. Heureusement les
trois chanteurs s'investissent sans restriction et l'on ne peut qu'être
admiratif devant la composition hallucinée de Johannes Kosters,
spécialiste du répertoire contemporain et des oeuvres de
Rihm, aussi impressionnant scéniquement que vocalement, dans un
rôle qui sollicite les deux extrêmes de la tessiture.
On peut se demander si une telle oeuvre
à des chances de s'imposer durablement sur des scènes qui
ne sont ni germanophones, ni imprégnées de culture allemande.
La réaction du public nancéien, déjà clairsemé
au lever du rideau, permet d'en douter : les défections ont commencé
dès le 3e tableau et l'accueil final, derrière une politesse
de forme, s'est révélé assez froid.