Récemment adoubé comme
"digne successeur" de Luciano Pavarotti, qu'il remplaça, au pied
levé, en mai 2002 dans Tosca
au Metropolitan Opéra de New-York, Salvatore Licitra conduit avec
succès un début de carrière prometteur. Quelques disques
scaligères avec Riccardo Muti (Trovatore, Tosca) ont trouvé
leur public, le ténor est sympathique en diable, généreux
: son double contre-ut véronais en 2001 est encore dans toutes les
mémoires... Mais, volons à l'essentiel.
Avec deux fausses attaques pour Celeste
Aida, on a pu un instant craindre le pire... Il est vrai que la pompeuse
villa EilenRoc nichée au coeur de l'écrin de verdure du Cap
d'Antibes surplombe la Grande Bleue et son taux d'humidité élevé.
Ne cherchant pas midi à quatorze heures, le ténor italien,
né à Genève, déploie dans Verdi (Aida, Rigoletto,
Macbeth et Ballo) une voix vibrante, chaleureuse, et un engagement
total. Un peu trop uniformément d'ailleurs. On est au concert et
on y reste. Avec l'air d'entrée de Radamès, le si bémol
final diminuendo passera aux oubliettes au profit d'un insolent
impact sonore, certes plus efficace sur le public festivalier.
Les autres pages du Maître montreront
une plus grande rigueur de style et une fraîcheur bien plus convaincante.
Là où d'aucuns seraient tentés d'en rajouter, le Macduff
de Licitra n'est que plénitude de son et de mots, un sommet de tendresse
et de compassion. Et rattrape un Duc de Mantoue générique,
sans sex-appeal. Avec Riccardo du Ballo in maschera, on revient
à des sphères néo-belcantistes - aux évidentes
filiations romantiques de vocalité "donizettienne", simplement réjouissantes.
Inutile de préciser que Marco Guidarini et l'Orchestre Philarmonique
de Nice déroulent pour le soliste un tapis chatoyant. Geste large
ou recueilli, le chef génois dispense des couleurs fortement contrastées
et un phrasé toujours très élégant.
C'est certainement avec l'opéra
vériste que le public a été le plus comblé.
Comment, en effet, ne pas être
conquis, transporté par cette voix solaire qui projette fièrement,
hautement, dans la nuit antiboise les rêves morbides et étoilés
de Calaf, Cavaradossi ou Chénier ? Un bémol par contre pour
l'air de Don José, scolaire, au français approximatif et
à l'aigu un rien poussé.
Une fois n'est pas coutume. Nous aimerions
terminer sur le Philharmonique de Nice et son chef qui, en quatre préludes,
nous disent combien ils aiment, sans différence, opéra et
répertoire symphonique. L'interlude du 3ème acte de Carmen
renvoie à juste titre à Gustav Mahler. Et rappeler combien
le violon solo de la phalange n'en finit pas de nous surprendre et émouvoir.
Vera Brodmann-Novakova réussit ce génial tour de force qui
consiste à décaper la sirupeuse et faussement spirituelle
Méditation de Thaïs qui devient ainsi un concerto
pour violon à part entière dans la littérature du
compositeur stéphanois. Inouï !
Christian COLOMBEAU