Peu de monde au Palais des Beaux-Arts
de Bruxelles ce samedi soir pour aller entendre Das Lied von der Erde de
Mahler. Le fait qu'on puisse jusqu'à la dernière minute obtenir
des places au guichet et se placer là où on le désire
ne laisse pas d'étonner la Parisienne que je suis, habituée
à se battre des mois à l'avance pour le moindre strapontin
!
Vaguement inquiète à
la lecture du nom de Roland Wagenführer, je me cale dans mon fauteuil,
les premiers accords retentissent, le ténor ouvre une bouche grande
comme un four, devient rouge, bleu, violet...et émet un couinement
étranglé !
J'échange un regard consterné
avec notre vénéré directeur de publication [nd(v)ddlp:
c'est moi !], la suite ajoute à notre consternation : Wagenführer
n'a pas d'aigus, pas de graves, pas de puissance, pas de timbre...un immense
désert vocal...
Voici le tour de Cornelia Kallisch
pour Der Eisame im Herbst. Je commence par penser qu'avec son timbre passe-partout,
ce n'est pas elle qui va relever le niveau de la soirée, et puis
le miracle se produit : l'intelligence de l'approche, la sensibilité
de l'interprétation emportent l'adhésion. La sonorité
de l'orchestre est absolument superbe, la direction passionnée,
je me laisse aller...Aïe ! Wagenführer se lève pour Von
der Jugend ! Il ouvre la même bouche immense, passe par les mêmes
couleurs...et émet trois jolies notes ! je souris d'aise, sourire
qui se fige aussitôt : je découvre vite que le ténor
ne possède que trois notes dans le haut médium. Ça
me rappelle l'anecdote de Rossini découvrant que la mezzo de la
troupe dans laquelle il vient d'arriver et qui doit interpréter
Argene de Ciro in Babilonia ne possède qu'une seule note, et écrivant
son air en conséquence ! Dommage pour Wagenfürer, heureusement
pour Mahler, ce cycle n'a pas été écrit sur mesure
pour lui.
J'écoute à peine Der
Trunkene im Frühling, pour me concentrer sur Der Abschied. Une fois
encore, l'interprétation de Cornelia Kallisch, la sonorité
somptueuse de l'orchestre tiennent du miracle...Quelques secondes de recueillement
après le dernier Ewig...Voilà, c'est terminé...Retour
à la réalité.
Réalité qui se manifeste
au sortir du spectacle, par la rencontre avec la charmante Amaryllis Grégoire,
qui sera à la FNAC le 30 novembre 2001 pour la promotion de son
nouveau disque. [ndlr: un récital chez Naxos consacré à
l'oeuvre mélodique de Duparc.]
Catherine Scholler