......
|
PARIS
23/06/2008
© Christophe Pelé
Gustave Charpentier (1860-1956)
LOUISE
Roman musical en quatre actes (1900)
Livret du compositeur
Louise : Guylaine Girard
Julien : Grégory Kunde
Le père : Alain Vernhes
La mère : Jane Henschel
Le noctambule, le pape des fous, le marchand d’habits : Luca Lombardo
Un chiffonnier : René Schirrer
Gertrude, la Première, la laitière, la glaneuse : Anne Salvan
Irma : Marie-Paule Dotti
Camille : Natacha Constantin
L’apprentie, la plieuse, une chiffonnière : Elisa Cenni
Marguerite, la balayeuse : Cornelia Oncioiu
Suzanne : Letitia Singleton
Blanche : Adriana Simon
Elise : Laurence Collat
Madeleine : Daniela Entcheva
Un apprenti : Caroline Bibas
Un chansonnier : Jason Bridges
Un bohème : Myoung-Chang Kwon
Un peintre : Hyoung-Min Oh
Un colleur d’affiches, un bricoleur, un gardien de la paix : Bartolomiej Misiuda
Premier philosophe : Rodrigo Garcia
Deuxième philosophe : David Fernandez-Gainza
Un jeune poète : Shin Jae Kim
Un étudiant : Hyun-Jong Roh
Un sculpteur : Pascal Mesle
La rempailleuse : Marie-Cécile Chevassus
La marchande d’artichauts : Joumana Amiouni
Le marchand de carottes : Fernando Velasquez
Le marchand de chiffons : François Bidault
Mise en scène : André Engel
Décors : Nicky Rieti
Costumes : Chantal de la Coste Messelière
Lumières : André Diot
Dramaturgie : Dominique Muller
Chorégraphie : Frédérique Chauveaux
Chœurs et Orchestre de l’Opéra National de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra National de Paris
(Chef des chœurs : Alessandro Di Stefano)
Direction musicale : Patrick Davin
Paris, Opéra Bastille, le 23 juin 2008
|
Succès complet pour une salle qui l'est moins
Peut-être est-ce dû au forfait de Soile Isokoski,
attendue dans le rôle-titre ? Peut-être qu’un an
à peine après la création du spectacle d’André Engel,
ces représentations arrivent trop vite ? Peut-être
qu’en juin, le public préfère admirer la capitale
ensoleillée que de l’entendre chantée à
l’Opéra Bastille ? Quelles que soient les causes, la
reprise de Louise est loin de faire le plein. Et l’on craint de nouvelles salles vides quand on apprend que Nicolas Joel l’a déjà reprogrammée pour 2010, avec Barbara Haveman.
Cette production, fort jolie, restera pourtant l’une des grandes
réussites des années Mortier. Pour rester fidèle
à Antoine Charpentier,
André Engel ne transpose que légèrement
l’action : nous sommes bel et bien dans un Paris modeste et
laborieux, mais plus tout-à-fait au début du XXe
siècle. Le mobilier de l’appartement, et surtout les
symboles d’anarchie et de liberté portés par les
amis de Julien au IIe acte, évoquent plutôt les
années précédant Mai 68. Faisant souvent baisser
et lever le rideau, effectuant de virtuoses changements de
décors, le metteur en scène réalise une
série de tableaux, qui n’utilisent jamais la
totalité du plateau, pour rester plus intimes, et pour cerner au
plus près les personnages. C’est dans une cour
d’immeuble, dans le logement d’une famille modeste, sur un
quai puis près d’une bouche de métro, dans un
atelier de couture, sur des toits et dans une salle des fêtes,
tous saisissants de réalisme, que l’intrigue prend place,
avec une indéniable crédibilité. Fidèle
à l’ouvrage, Engel sait aussi le sublimer quand guette la
monotonie : la direction d’acteur fait la part belle
à une fantaisie, un humour et une vivacité qui pimentent
ce que Louise peut avoir de lassant. La durée de
l’œuvre, la platitude des nombreux duos et monologues qui
coupent l’action, ne se font alors guère sentir,
magnifiés par un art consommé de la scène et de
l’espace, par une psychologie des personnages plus explicite
encore que celle montrée par le compositeur.
L’orchestre
constitue une autre raison de se réjouir : les cordes sont
rondes, les cuivres rutilent, les bois chantent, le tout sonne plein et
beau. Patrick Davin joue de ce
somptueux instrument avec trop de force cependant, trop heureux de nous
montrer ce que l’œuvre a de wagnérien, oubliant
qu’elle est aussi parente de Massenet. Remarquables eux aussi
d’homogénéité et de puissance, les choristes
ne souffrent pas de cette débauche de décibels, mais il
en va différemment des solistes. Timbre fruité et charnu,
Guylaine Girard a
un véritable tempérament mais devient inaudible quand
l’orchestre donne de la voix –en l’occurrence dans la
confrontation finale face au père, où elle aurait
justement pu montrer toute la force de son caractère. On retient
tout de même un portrait sensible et tendre de la jeune muse de
Montmartre, et un « Depuis le jour… »
lunaire et diaphane, poésie venue des astres
qu’André Engel lui fait contempler depuis le toit de sa
maison. Gregory Kunde
maîtrise convenablement son vibrato, joue avec bonheur de
l’impact et du magnétisme de sa voix. Surtout, son Julien
est une authentique réussite scénique, incarnation
d’une jeunesse mâle et fière se sentant la force de
conquérir le monde. La mère de Jane Henschel, à
l’abatage intact, est aussi malfaisante qu’une Ortrud, et Alain Vernhes
est un père idéal : les brisures du dernier acte,
quand un vieillard désabusé et morbide a
succédé à l’ouvrier simple et heureux du I,
sont saisissantes. Luca Lombardo va revêtir les habits de Julien,
pour la dernière représentation (le 12 juillet) : il
compose en attendant des personnages truculents, arborant une voix
saine à la projection insolente. Tous les petits rôles
enfin, du chiffonnier de René Schirrer au chansonnier de Jason Bridges,
campés par des valeurs sûres de l’Opéra de
Paris et de l’Atelier Lyrique, sont impeccables. La reprise
d’un des meilleurs spectacles du répertoire de
l’Opéra de Paris, défendue par une équipe
solide et un orchestre en grande forme : nonobstant quelques
défauts, ça mériterait bien une salle pleine !
Clément TAILLIA
|
|