C O N C E R T S 
 
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ZURICH
30/10/04

Annick Massis
Gaetano DONIZETTI

LUCIA DI LAMMERMOOR

Lord Enrico Ashton : Stefano Antonucci
Lucia : Annick Massis
Sir Edgardo di Ravenswood : Fabio Sartori
Raimondo Bidebent : Pavel Daniluk
Lord Arturo Buklaw : Cristiano Cremonini
Alisa : Kismara Pessatti
Normanno : Andreas Winkler

Dir.musicale : Ralf Weikert
Mise en scène : Robert Carsen

Décors et costumes : Richard Hudson
Lumières : Jürgen Hoffmann
Chef de choeur : Jürg Hämmerli

Choeur et orchestre de l'Opéra de Zürich 
30 octobre 2004



La production de Robert Carsen a déjà quinze ans. Point d'Ecosse vers 1700, mais le rideau s'ouvre sur des choristes en uniformes modernes, entrant et sortant au pas cadencé. Excepté certains solistes, tous sont habillés de gris. Gris aussi le décor oppressant, qui enferme les personnages dans leur drame ou leur folie. Seul le fond sous forme de grille se lève ou s'abaisse pour laisser place à un ailleurs moins sombre. C'est par là qu'Edgardo entre à l'acte I; par là qu'apparaîtra Lucia, comme une vision de l'au-delà, lorsque le ténor expire, au dénouement. Des pans de décor s'ouvrent, comme les lits d'une morgue, mais c'est pour qu'Enrico y range ses dossiers et quelques secrets de famille. Lucia, toute vêtue de blanc, détonne dans cet univers nocturne et masculin. Les éclairages de Jürgen Hoffmann sont à ce titre très suggestifs.

Ralf Weikert dirige un orchestre et des choeurs impeccables. Sa direction est plutôt alerte dans les tempi et dramatique. Elle nous permet également d'entendre toutes les scènes avec un minimum de coupures. Le problème se situe plutôt dans l'équilibre entre la fosse et la scène, comme nous allons le voir.

La distribution réunie est d'un bon niveau. Stefano Antonucci campe un Enrico puissant en matière de projection vocale et brutal dans son jeu, allant jusqu'à gifler sa soeur juste avant "Se tradirmi tu potrai". Voix ample et sonore, à l'identique, pour l'Edgardo de Fabio Sartori, entendu quelques jours plus tôt au Staatsoper de Vienne dans un solide Rodolfo de La Bohême. Physiquement, le ténor ne correspond pas aux canons du jeune premier, mais il se donne à fond, vocalement, au détriment parfois d'un phrasé qui pourrait gagner en nuances. Nous ne manquons pas non plus de décibels avec le Raimondo de Pavel Daniluk, mais pour le coup le style est trop grossier, la ligne de chant parfois malmenée. Les rôles secondaires chantés par Kismara Pessatti et Cristiano Cremonini sont satisfaisants.

Reste donc la Lucia d'Annick Massis, jamais entendue dans ce rôle à Zürich. La soprano paraît doublement fragile. Fragile dans le bon sens du terme sur le plan dramatique, en tant que femme contrainte puis démente. Fragile aussi dans la projection et le volume de la voix face à ses partenaires. Il est regrettable que certains passages se perdent quand l'orchestre et le choeur joue ou chante forte. Ainsi dans le sextuor "Chi mi frena", la voix est couverte dans le beau passage crescendo sur les si bémol aigus. C'est d'autant plus dommage que nous tenons là une Lucia crédible scéniquement, sensible musicalement. Quand la soprano n'a pas à lutter contre la masse orchestrale ou chorale, nous entendons du très beau chant. L'air d'entrée est superbement interprété, d'autant plus qu'il inclut le passage si souvent coupé à la fin de "Quando rapito in estasi". Au crédit encore de la cantatrice, le rétablissement des vocalises dans le duo avec son frère "Il pallor, funesto, orrendo". Le timbre est beau, la technique solide, sa Lucia touchante. Il ne manquait plus que le chef modère le volume sonore de ses troupes à certaines occasions.

Au rideau final, tous les interprètes ont été chaleureusement et longuement applaudis.
 
 

Valéry FLEURQUIN
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