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MONTE-CARLO
09/03/05

© Opéra de Monte-Carlo
LUCREZIA BORGIA

Gaetano DONIZETTI

Opéra en un prologue et deux actes - Livret de Felice Romani
(d´arès la tragédie de Victor Hugo)
Créé au Théâtre de la Scala - Milan, le 28 décembre 1833

Lucrezia Borgia : Darina Takova
Gennaro : Gregory Kunde
Don Alfonso : Giorgio Surian
Maffio Orsini : Katharine Goeldner
Rustighello : Bulent Külekçi
Liverotto : Fulvio Oberto
Gazella : Marco Camastra
Petrucci : Pierre Doyen
Vitellozzo : Philippe Talbot
Gubetta : Jean-Luc Ballestra
Astolfo : Michele Govi
Direction musicale : Giuliano Carella
Chef de choeur : Kristan Missirkov
Mise en scène : Beppe De Tomasi
Décors et Costumes : Francesco Zito
Eclairages : Marco Palmieri
Chorégraphie : Fredy Franzutti

Choeurs de l´Opéra de Monte-Carlo
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

Nouvelle production

Opéra de Monte Carlo
Théatre de Fontivielle
Mercredi 9 Mars 2005

Donnizetti / Hugo même combat ! Lucrezia Borgia reste bien l'une des facettes les plus caractéristiques du premier romantisme italien, autant qu'un avant-goût de la révolution esthétique menée par Verdi quelques années plus tard.

Solidement charpenté, le livret de Felice Romani prétexte une série de scènes dramatiques qui suit assez fidèlement la pièce de Victor Hugo. On voyage ainsi, en pleine Renaissance, de Venise à Ferrare (grâce aux superbes décors et luxueux costumes de Francesco Zito), l'absolution finale de l'incestueuse héroïne mélodramatique à souhait arrache toujours les larmes... dans un ensemble toujours bien moral, bien "filtré", bien censuré dans les mots et l'anecdote devant un sujet historique, réel, tellement sulfureux.

De plus, la partition de Donizetti, d'une belle efficacité, d'une liberté assez surprenante avec cette alternance de rire et de larmes, de vin et de sang, est bien d'une grandeur tragique comparable à celle du Pirata, de Bolena ou Devereux.
 
Le rôle-titre alors ? Ecrasant pour toute colorature dramatique qui s'y frotte. Ici l'élément de virtuosité pure doit s'effacer devant la violence des accents, les écarts de l'émission, la puissance du timbre nécessaire. L'empoisonneuse, comploteuse, mère et presque monstrueuse maîtresse, incestueuse, a tout d'un comportement masculin qu'il faut bien rendre évident scéniquement et vocalement.


© Opéra de Monte-Carlo

Darina Takova laisse perplexe. Sa grande scène d'entrée "Com'è bello", sans abandon extatique, manque de magie, l'émission est instable. Au deuxième acte, dans l'affrontement avec son quatrième mari, les terribles écarts de registre lui posent de réels problèmes, ses notes de passages sont sourdes, l'aigu vrillé, le haut médium voilé. Mais la diablesse se retrouve à son mieux au dernier tableau avec des accents d'une profonde mélancolie et d'une réelle douleur : "Son la Borgia" glace le sang, "figlio moi" contient toutes les larmes d'une mère...

Gregory Kunde (Gennaro) ne fera pas oublier ses illustres prédécesseurs même si l'aigu est facile, un rien claironnant. On cherche en vain la mélodie donizettienne, la brume poétique d'un rôle de ténor unique en son genre.

Seul bon garçon du drame, le Maffio Orsini de Katharine Goeldner nous renvoie aux grandes heures de Horne ou Verret ! Justesse d'interprétation, travesti crédible. Vocalement superlatif, son brindisi du troisième acte, librement orné, d'une insolence presque spectaculaire, sera un grand moment de chant.

Tout aussi impressionnant sera aussi le Don Alfonso de Giorgio Surjan.

Les sept rôles secondaires, majeurs aux actes extrêmes, sont bien tenus.

La mise en scène classique et sage de Beppe di Tomasi ne restera pas dans les annales. Tout au long de la soirée, il semble feuilleter négligemment un secondaire roman de cape et d'épées aux jolies enluminures. L'outrance et la violence des situations du drame hugolien sont ailleurs.
 
Dans la fosse du Théâtre de Fontvieille à l'acoustique rebelle, Giuliano Carella fait preuve d'une belle dévotion à la partition, mais ne peut éviter quelques négligences au niveau des cuivres, mais donne une pulsion, une respiration authentique à l'ensemble. 

Excellente participation des choeurs. Kristan Missirkov peut, lui aussi, être fier de son travail.
 

Christian COLOMBEAU

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