Belgique : petit
état d’Europe comptant à peu près dix millions d’habitants. Réputé pour la
saveur de ses frites et la fraîcheur de ses moules, la Belgique est une
monarchie parlementaire. Son roi se prénomme Albert et a une tête des plus
sympathiques.
Verdi : compositeur d’opéras italien et barbu, sa musique est fort courue des
publicitaires qui lui font vendre du jambon d’Aoste, de Parme ainsi qu’une
marque de désodorisants pour cabinets !
Quel rapport entre le fier royaume de Belgique et
le plus connu des compositeurs italiens ? A priori, pas grand-chose… sauf qu'en
examinant les saisons des maisons d’opéra belges, on se rend compte que Verdi y
trouve une place de choix. Evidemment, faisons abstraction des Traviata,
Macbeth, Falstaff, Otello, Nabucco, Trovatore
et Rigoletto, dont la présence au sein du répertoire est désormais
inaliénable. Non, je vous parle du Verdi moins connu, celui qu’on n’a pas
l’occasion de découvrir – justement – en savourant du jambon d’Aoste (bien que
le jambon d’Aoste soit très bon, là n’est pas réellement la question). Heureux
Belge qui en trois ans aura eu l’occasion de découvrir, à Liège, un Ernani
de facture honorable, à Bruxelles, un Due Foscari, fort critiqué, certes,
mais agréable à suivre et, dans quelques mois, I Masnadieri, avec le plus
beau, le plus grand et le plus fort des chanteurs du royaume : José van Dam !
(prise de rôle). Enfin, à Anvers on proposait ce soir Luisa Miller, un
opéra méconnu qui flirte avec le Verdi de la grande époque (nous sommes à un
opéra de Rigoletto).
Pour présenter cette œuvre, la maison flamande a mis les petits plats dans les
grands : son metteur en scène vedette (Guy Joosten), quasiment béatifié depuis
que le Met a fait appel à ses services ; Ivan Törzs, le chef maison et un
casting relativement alléchant. Le moins que l’on puisse dire, au regard du
résultat final, c’est que le petit plat – tout « mis dans les grands » qu’il
soit – n’est pas vraiment ragoûtant.
Soulignons d’abord le travail de mise en scène de Guy Joosten. Celui-ci, fort
occupé à se construire des bustes et à orner ses statues de fleurs et
d’onguents, a dû se pencher sur l’œuvre de Verdi à la dernière minute… genre,
pendant le générique de fin de Derrick en terminant une lasagna verde
tiède. Ce contexte créatif très « naturaliste » se ressent fort bien sur la
scène : mouvements de chœurs à l’ancienne (on ne parle pas d’individus, mais
d’une masse chantante remuant uniformément sur une scénographie d’un goût
relatif). Le décor, quant à lui, se compose d’un plateau tournant qui… tourne au
fur et à mesure que l’intrigue avance (ils ont le même au Met !) Abandonnés à
leur conception, résolument basique, de l’art dramatique, les chanteurs font ce
qu’ils peuvent.
Au point de vue vocal, il faut reconnaître que l’Opéra des Flandres a
réuni – sur le papier – un très beau plateau. Le problème, c’est que la
concrétisation d’une belle idée de casting n’est pas toujours heureuse. Fiorella
Burato est une Luisa techniquement solide, mais on lui reprochera son peu
d'engagement dramatique. Son amant, le beau Rodolfo, chanté par le moins beau
Carl Tanner, est le clou du spectacle : voix rayonnante (peut-être un peu trop «
spinto » pour ce rôle qui requiert une certaine minutie dans l’ornementation),
aigu facile, belle projection. Malheureusement le chanteur s’essouffle
complètement après son air du troisième acte, brillamment interprété, et passera
le reste de la soirée à sprinter derrière ses collègues avec un gros point de
côté. Abdrazakov, solide rossinien, est ici comme vocalement absent. Van
Engeland et Malmberg font un travail honorable quant à Bruno Caproni, il campe
un père désabusé qui offre un bel étalage de décibels et de style. Choeur et
orchestre agréables.
En conclusion : sus à Guy Joosten !
Hélène Mante