Il est des spectacles dont on ressort
parfois contrarié, ceux qui par exemple vous déroutent par
leur mise en scène au discours dérangeant ou décalé
; d'autres où la colère domine, où une chanteuse massacre
votre air favori ; et d'autres fort heureusement (mais bien trop rares)
qui vous conduisent vers les cimes paradisiaques du bonheur musical et
théâtral.
Qu'on se le dise de suite, rien de
tout cela ce soir à l'Opéra de Marseille ! Le propos peut
paraître un peu rude mais ce spectacle a pour moi été
la première (et comme souvent douloureuse) expérience où
je me suis franchement interrogée sur la raison d'être de
ce que je voyais !
Qu'il se trouve sur cette terre des
personnes sans talent est bien légitime (et j'en fais partie d'ailleurs)
mais qu'il y ait également des directeurs de salles responsables
(des deniers publics par ailleurs) pour les engager est on ne peut plus
répréhensible ! Les choses devraient fort heureusement changer
pour cette maison avec l'arrivée de la très professionnelle
Renée Auphan.
La maîtrise d'ouvrage de ce Macbeth
a donc été confiée à une équipe de haut
vol, concentrée autour d'un metteur en scène international
qui a entre autres oeuvré pour une Tosca à Miramas (sic !)
et un Otello aux USA dont on ne saura rien de plus. Pas de mise en scène,
encore moins de direction d'acteur, un sens du dramatique à la limite
de la caricature ou du grotesque (on a atteint des sommets du genre au
3ème acte avec les apparitions et la danse des sylphides !). Le
tout se déroulant dans des décors surabondants et sans cohérence,
faits d'éléments d'architecture vaguement renaissance, vaguement
néo-gothique, dévastés par les ronces et les lianes
du château de la Belle au bois Dormant. Le tout aurait pu être
encore sauvé si nous n'avions pas souffert des lumières hideuses
concoctées pour l'occasion. Couleurs plus que datées en douche
permanente, l'effet concours au massacre surtout quand dans le programme
nous apprenons que ce professionnel aurait assisté Pizzi et Wilson,
c'est de toute évidence de l'amateurisme que peut relever de telles
entreprises.
C'est du domaine musical que la soirée,
si elle n'a pas été des meilleures a échappé
au naufrage. La direction enlevée et rythmée de Giuliano
Carella nous montre un chef qui connaît bien, maîtrise et aime
visiblement ce répertoire. Il est efficace et attentif aux chanteurs,
on aurait aimé plus de nuances, histoire de dire que Verdi n'a pas
toujours écrit pour la cavalerie, mais que tirer d'un orchestre
rebel qui vit depuis plus de vingt ans sans chef ? Les choeurs en revanche
accusent un sérieux déficit (d'âge ?), les aigus chez
les femmes ne sont pas toujours heureux et les ensembles trop souvent décalés,
cruel rythme !
Le Macbeth de Lucio Gallo n'est pas
très crédible ; à une voix serrée, trop petite
et à l'émission engorgée, il tente de répondre
par une interprétation d'un Macbeth tout en force. Nous n'y accrochons
pas le moins du monde et là aussi nous cherchons le musicien. Le
Macduff de Misha Didyk est malheureusement l'image de ce que les écoles
russes peuvent fournir de pire. Il a de la puissance vocale, il en use
(trop), et ce chant bruyant et sans charme est marqué par un affligeant
vibrato et des aigus criés qui semblent ensorceler le public.
Mais heureusement ce soir, il y avait
sur le plateau Andréa Papi, à la voix ample, souple et chaleureuse
de Banquo, l'ami trahi qu'il campe avec noblesse. Notons surtout la sublime
présence d'Inès Salazar en Lady Macbeth. Si elle n'est pas
à priori une grande voix et si elle n'est pas toujours homogène
sur tout le registre, l'intelligence de la musicienne nous livre une Lady
ensorceleuse et démoniaque. Totalement fascinante physiquement,
elle est de surcroît capable de superbes aigus pianissimi, tendus
à l'extrême, et d'éclats de voix foudroyants !
Nous les remercions tous deux qui ont
été, avec le chef, la quasi unique raison de monter ce spectacle
tel que nous l'avons vu, si ce n'est la curiosité d'entendre Macbeth
dans la version originale de 1847, un peu mince non ?
En tout cas, si vous cherchez Shakespeare,
foncez à La Criée, 200m plus loin sur le port, assister à
la très belle et touchante vision de Philippe Adrien du Roi Lear
!