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LONDRES
18/02/2006
Violeta Urmana (Lady Macbeth)
© www.violetaurmana.com
Giuseppe VERDI (1813 - 1901)
MACBETH
Opéra en 4 actes
Livret de Francesco Maria Piave
d’après la pièce de William Shakespeare
Conductor : Yakov Kreizberg
Mise en scène : Phyllida Lloyd
Costumes : Anthony Ward
Lumières : Paule Constable
Chorégraphie : Michael Keegan Dolan
Macbeth : Thomas Hampson
Banquo : John Relyea
Lady Macbeth : Violeta Urmana
Suivante de Lady Macbeth : Elizabeth Woollett
Macduff : Joseph Calleja
Malcolm : Andrew Stritheran
Doctor : Robert Gleadow *
The Royal Opera Chorus
The Orchestra of the Royal Opera House
Direction musicale : Yakov Kreizberg
Londres, Royal Opera House
le 18 février 2006, 19 heures
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Let's make an opera
Tandis que Paris joue les parangons de modernité, Londres se
complaît dans un certain conformisme : un répertoire
éprouvé, des affiches prestigieuses et des mises en
scène plutôt traditionnelles. Le lyricomane
français n’en croit pas ses yeux et tel saint Thomas,
entreprend un beau jour de traverser le Channel afin de juger sur
pièce. La reprise du sage Macbeth de Phyllida Lloyd, présenté en 2002 à La Bastille,
au bon temps de l’ère Gall, lui en offre l’occasion.
D’autant plus que la distribution compte trois chanteurs qui
n’ont pas ou plus été applaudis de ce
côté de la Manche depuis un certain temps : Violeta
Urmana, Thomas Hampson et Joseph Calleja.
Trois grands noms ne sont pas de trop pour rendre justice à une
œuvre exigeante, plus qu’une autre avec deux premiers
rôles monstrueux, dans tous les sens du terme, un ténor
pourvu d’un seul air mais l’un des plus beaux écrits
par Verdi et, pour compléter le trio, une grande basse, noble et
profonde.
John Relyea occupe ce dernier emploi sans démériter, sans
non plus donner à Banquo sa véritable stature,
patricienne, un peu trop jeune peut-être pour sembler vraiment
paternel dans « Come dal ciel precipita », un peu
trop clair - il portait la muleta d’Escamillo à
l’Opéra Bastille en 2002 – pour que son timbre
contraste avec celui de Macbeth dans le duo du premier acte.
Ce duo justement met en valeur dès le début les
défauts de Thomas Hampson : voix blanche, manque de
mordant, limites dans l’aigu ; le baryton semble ce soir en
méforme. Ses qualités apparaîtront ensuite, celles
de l’interprète, exceptionnel, auquel conviennent mieux
l’anxiété, la faiblesse et les remords du criminel
que le courage du soldat.
Face à cet anti-héros, Lady Macbeth s’impose alors
comme la seule protagoniste de l’opéra. Violeta Urmana ne
lui laisse de toute façon pas le choix ; la cantatrice
lithuanienne se situe de manière idéale dans les
contrées vocales du rôle, quelque part entre le mezzo et
le soprano, dramatique incontestablement, souveraine sur toute la
tessiture, capable de vocalises et de coloratures, celles de
« Vieni ! T’affreta… » et
celles du brindisi, puissante, insidieuse dans « la luce
langue », hallucinée dans la scène du
somnambulisme. A la limite, on lui reprocherait de paraître trop
séduisante, trop éloignée dans ses
sonorités veloutées des intonations laides et caverneuses
que réclame le compositeur.
Dans ce même esprit, Yakov Kreizberg choisit de conduire le
récit avec mesure, sans noircir le ton, en privilégiant
l’équilibre au détriment d’une certaine
violence.
Reste le cas Calleja. Son entrée en scène provoque un
électrochoc car l’émission, haute, appartient
à une autre époque, celle des 78 tours. Le charme,
étrange, agit durant les deux premiers actes en teintant les
concertati d’une couleur inhabituelle. Puis l’enchantement
cesse brusquement avec « ah la paterna mano ». Le
grelot devient insupportable ; la lumière ne comble plus
l’absence d’épaisseur.
Et la mise en scène ? Habitué à ce
qu’elle envahisse le plateau, on oublierait presque ici
d’aborder le sujet. Respectueuse de l’époque et du
livret, elle choisit d’expliquer le comportement sanguinaire du
couple par sa stérilité, proposition intéressante
qui donne lieu à de belles images, notamment, dans le
troisième acte, celle de Macbeth et sa femme entourés
d’enfants, tableau attendrissant qui laisse un instant imaginer
une autre histoire. La chorégraphie des sorcières
embâtonnées ne convainc toujours pas mais
l’utilisation de l’eau, l’apparition des rois sur
leur monture dorée confèrent à l’ensemble
une grande force poétique.
Au finale, triomphe l’entente cordiale. Il n’est pas
nécessaire d’être subversif pour émouvoir,
même dans un répertoire familier. La première
scène lyrique britannique en apporte la preuve.
Réconcilié, la tête encore pleine de musique, on se
réfugie dans un pub saucer son allégresse dans une
assiette de bœuf à la menthe, noyer son enthousiasme dans
un bock de bière. Et, au moment de payer l’addition,
après avoir confondu livres et euros, on se découvre,
soudain, le mal du pays.
Christophe Rizoud
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