La plus longue, la plus difficile
des symphonies de Mahler. Six mouvements, le septième initialement
prévu deviendra plus tard le finale de... la Quatrième,
pour un hymne à la nature, à un monde de paix (formidablement
recréé par l'utilisation des cors) ou pour une fois toute
idée de la mort est bannie. Si le thème de la résurrection
est sous-jacent, y voir donc celui de la nature : ici l'espèce ne
peut disparaître. L'humain oui. Ce n'est pas pour rien que l'évolutionnisme
du XIXè siècle trouvera dans cette Troisième Symphonie,
non sans raison, sa traduction musicale.
On connaît la passion de Marco
Guidarini pour le répertoire allemand. Le chef gênois rejoint
en ce sens ses concitoyens Abbado, Sinopoli voire Muti (mais ce dernier
à force de vouloir tout diriger ne se serait-il pas un peu éparpillé
?).
Soucieux de tout faire entendre,
avec une précision presque scientifique, la fidélité
au texte confine avec le maestro à l'objectivité absolue.
Dans l'obscurité angoissée des épisodes qui dépeignent
la nature gémissant sous les rigueurs de l'hiver autant que dans
la liesse déchaînée des marches militaires (on atteint
alors à une sorte de jouissive démence à la fin de
la réexposition), le ton sonne juste.
Les mouvements, si fortement contrastés,
se succèdent avec une logique implacable et un naturel qui révèlent
le mahlérien non seulement de conviction mais aussi de race.
Un puissant souffle visionnaire soulève
et transfigure l'ensemble : finesse des timbres, équilibre des plans,
puissance des masses sonores. Tout vit, tout respire, tout brûle
avec une intensité à laquelle il est difficile de résister.
Avec le Scherzo, on retrouve
l'émerveillement du compositeur enfant devant la nature, ainsi que
la truculence des voix animales, puis, plus tard, l'adulte saisi par la
nostalgie dans le divin solo de posthorn. Les passages rapides respirent
l'entrain, la vie et la fraîcheur surtout dans le cortège
qui célèbre l'arrivée du printemps.
Dans les deux mouvement vocaux, Katja
Lytting, puis Les Choeurs d'Enfants et de Femmes de l'Opéra de Nice
s'intègrent avec art et pertinence au tableau symphonique.
La mezzo-soprano suédoise trouve
de plus avec le violon adamantin de Vera Brodmann-Novakova un dialogue,
une complicité, un écrin musical rares.
Le Finale plein de recueillement
mystique et de profondeur couronne l'ensemble. Il rayonne, resplendit avec
une pureté, une simplicité qui n'appartient qu'aux grands,
grâce à un phrasé sans affectation, sans effets faciles,
grâce surtout à un engagement total de tous. Un grand moment
de vérité mahlérienne qui a conquis un Opéra
de Nice bourré à craquer et d'un enthousiasme communicatif.
Christian COLOMBEAU