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GENES
10/01/2008
- Retransmission de la R.A.I -
Daniel Oren © DR
A peine remis des émotions d’Orphée et Eurydice,
voici les auditeurs de la RAI conviés à une
représentation de cette œuvre aux fortes teintes de
Giacomo Puccini. Moins connu que d’autres maisons lyriques
d’Italie, le Teatro Carlo Felice de Gênes s’assura
pour son inauguration, en 1828, le concours de rien moins que Donizetti
et Bellini, sans parler d’une troisième commande
officielle, au compositeur Francesco Morlacchi, sur un sujet
évidemment local : Cristoforo Colombo… Franchissons
le grand portique à colonnes, un serrement de cœur
à la pensée que sa superbe salle fut détruite par
un bombardement en 1942…
TEATRO CARLO FELICE DI GENOVA
Saison lyrique 2007-2008
En direct du « Teatro Carlo felice » de Gênes
Jeudi 10 janvier 2008
« Dramma lirico » en quatre actes
sur un livret auquel collaborèrent Giuseppe Giacosa, Luigi Illica,
Ruggero Leoncavallo, Domenico Oliva, Marco Praga,
Giacomo Puccini et Giulio Ricordi
d’après le roman Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut
appartenant aux Mémoires d’un homme de qualité (1828) de François-Antoine Prévost
Manon Lescaut : Micaela Carosi
Il Cavaliere Renato Des Grieux : Walter Fraccaro
Lescaut : Gabriele Viviani
Geronte di Ravoir : Carlo Lepore
Edmondo : Carlo Bosi
L’Oste : Dario Giorgelè
Il Maestro di ballo : Saverio Bambi
Un Musico : Daniela Pini
Un Sergente degli Arcieri : Filippo Balestra
Un Lampionaio : Vincenzo Peroni
Un Comandante di Marina : Francesco Sorichetti
Orchestra e Coro del Teatro Carlo Felice di Genova
Maestro Concertatore e Direttore : Daniel Oren
Maestro del Coro : Ciro Visco
Mise en scène : Gilbert Deflo
Décors et costumes : William Orlandi
Eclairages : Roberto Venturi
- Retransmission de la RAI -
10 Janvier 2008
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« Lui [Massenet] ressentira Manon
à la française avec la poudre et les menuets, écrivait Giacomo Puccini
au librettiste Marco Praga, moi je la ressentirai à l’italienne, avec
de la passion désespérée. » En fait, pour être équitable, il faut
reconnaître qu’il y également chez Massenet « de la passion
désespérée », tout comme la Manon Lescaut de Puccini
se trouve légèrement
« poudrée », mais juste ce qu’il
faut… pour la couleur locale.
Il
faut dire d’emblée que l’immense salle moderne de 2000 places ne
« feutre » pas les sonorités mais plutôt met à nu sans complaisance les
voix des chanteurs… Micaela Carosi
possède une ample voix pulpeuse dans le médium, et
vibrante, parfois métallique, dans l’aigu, mais capable de
superbes piani. Elle offre
ainsi une belle expansion lyrique dans « In quelle trine
morbide », même si le timbre, se
rétrécissant dans l’aigu forte,
ne permet pas d’atteindre à la plénitude
suggérée par l’orchestre de Puccini, tellement
prêt à « porter » la voix.
« Arriver au troisième acte pour le ténor
(après le premier et le deuxième) est une mission
impossible », disait le chef Daniel Oren au micro de la RAI. C’est un peu ce que l’on ressent à l’audition de Walter Fraccaro.
Il se tire assez bien des deux airs célèbres du premier acte, malgré un
aigu « étroit » et un peu tendu. Malheureusement, il est quelque peu
dépassé par le grand Finale
III « Guardate, pazzo sono », dans lequel le personnage, tout
« Cavaliere » qu’il est, implore désespérément le capitaine de le
laisser monter dans le même bateau que Manon. On constate avec
tristesse une insuffisance de souffle et de largeur de timbre, de
générosité dans l’émission, facilement « coincée »… Ni les
hoquetements, ni les coups de glotte répétés, ne l’aident et nous
convainquent : n’est pas Gigli qui veut. Qui a dans l’oreille ce que ce
dernier faisait du poignant Finale III, voit hélas aujourd’hui ses attentes souvent déçues.
Gabriele Viviani
présente en revanche un beau timbre sombre et une totale aisance dans
le rôle trouble du frère de Manon. Les rôles secondaires sont également
impeccablement tenus, tout comme la prestation des choeurs du « Carlo
Felice ». L’orchestre, si important dans Puccini, est ici personnage,
bien plus que dans Le Villi
dont Verdi disait avec
méfiance : « L’opéra est
l’opéra : la symphonie est la symphonie ».
Daniel Oren,
à part quelques accélérations intempestives (les hallucinantes
conclusions d’acte), apporte aux violons tellement pucciniens la
lisibilité que l’on attend des parties si émouvantes qu’ils ont à
rendre. Dans sa manière de diriger, on sent comme l’amour qu’il déclare
pour cette musique, le conduit à faire s’exhaler la magique poésie
puccinienne.
La musique en général est ce langage merveilleux
« qui parle de cœur à cœur »,
déclarait le Maestro
sur les ondes de la RAI, concluant : « Nous autres
Juifs disons que la voix et la musique sont l’antichambre de
Dieu ».
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