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MARSEILLE
02/05/2008
© Christian Dresse
Jules Massenet (1842-1912)
MANON
Opéra-comique en cinq actes et six tableaux (1884)
Livret de Henri Meilhac et Philippe Gille
D’après le roman de l’Abbé Prévost
Nouvelle production
Coproduction avec Angers Nantes Opéra
Mise en scène, Renée Auphan et Yves Coudray
Assistante, Chantal Graf
Décors, Jacques Gabel
Costumes, Katia Duflot
Assistant, Jean-Noël Lavesvre
Chorégraphie, Josyane Ottaviano
Lumières, Roberto Venturi
Manon : Ermonela Jaho
Poussette : Catherine Dune
Javotte : Cécile Galois
Rosette : Véronique Chevillard
Des Grieux : Roberto Sacca
Le comte : Alain Vernhes
Lescaut : Jean-Luc Chaignaud
Guillot de Morfontaine : Christian Jean
De Brétigny : André Heyboer
L’hôtelier : François Castel
Un soldat : Julien Dran
Danseurs : Philippe Chevrier, Florence Bas, Clémence Chevillotte
Anne Chevrier, Mélonie Paquet, Jackie Rouillon, Ivana Testa
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Chef du Chœur : Pierre Iodice
Direction musicale : Cyril Diederich
Marseille, le 2 mai 2008
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Aux sources de Manon
Avec cette production de Manon, qu’elle met en scène avec Yves Coudray, Renée Auphan
retourne à ses sources, à ses débuts comme
assistante de Louis Ducreux « il y a presque un
demi-siècle ». Par ce rappel en forme de confidence
qu’elle livre aux spectateurs dans la fiche de
présentation du spectacle, elle définit du même
coup son inspiration : la tradition dans toute sa noblesse.
Refusant toute transposition parce que ce serait « contrer
Massenet » la mise en scène respecte à la
lettre les indications du livret. Le résultat, d’une
grande lisibilité, pourra sembler trop sage à
certains ; mais les néophytes peuvent s’y retrouver
aisément, les nostalgiques savourer une lecture qui
n’altère en rien les données familières et
les partisans de la primauté des auteurs sur les adaptateurs se
réjouir. Rien en effet ne vient altérer
l’actualité de cette histoire intemporelle où la
puissance établie, du sang ou de l’argent, vient entraver
le cours d’une passion qu’elle perçoit comme un
défi.
De la place largement ouverte sur un ciel lumineux, quand tout semble
possible, - mais un cortège de femmes harassées
encadrées par des soldats passe à
l’arrière-plan avant l’arrivée de la malle de
poste- on passe à la chambre d’amour où figurent la
fenêtre mentionnée par le texte et bien sûr la
petite table. Des arbres esquissés ombragent la terrasse
aménagée au Cours-la-Reine ; la sacristie de
Saint-Sulpice est adossée à la nef débordante de
dévotes sous le charme de l’abbé Des Grieux. Un
miroir incliné transforme l’Hôtel de Transylvanie en
tripot infernal. Au dernier tableau, désormais gris, sale et
menaçant, le ciel plane sur l’espace morne et les ruines
où s’abrite Des Grieux à l’heure de la
catastrophe. Les accessoires, si l’on excepte le mobilier de
l’hôtellerie du relais de poste, qui préfigure
fâcheusement le design scandinave bon marché, se font
oublier au profit des costumes, d’une belle qualité et
d’une élégance indiscutable.
La distribution, dans son ensemble, est de très bon niveau. Seul Jean-Luc Chaignaud,
dont la prestance convient parfaitement à Lescaut, a
semblé forcer en permanence une émission à la
limite de l’engorgement. Dans le rôle minuscule du soldat
le ténor Julien Dran,
pensionnaire du Cnipal, se fait remarquer. Le baryton André
Heyboer est un Brétigny sonore et crédible. C’est
vrai aussi de Christian Jean,
qui exprime clairement la vanité blessée poussant son
personnage à se venger par tous les moyens. Ses
protégées, Catherine Dune, Cécile Galois et Véronique Chevillard,
sont exquises, en rien les poissardes vulgaires que l’on en fait
quelquefois. En comte des Grieux, Alain Vernhes a son habituelle classe
scénique ; sa fraîcheur vocale est stupéfiante.
Roberto Saccà & Ermonela Jaho
© Christian Dresse
Débuts pour Roberto Saccà
en Chevalier des Grieux. Sans doute est-ce pour cela que nous nous
sommes demandé, alors qu’il a de toute évidence les
moyens du rôle, vocalement et physiquement, s’il en a le
tempérament ; nous aurions aimé plus
d’élan scénique. Probablement a-t-il prudemment
choisi « d’assurer ». Il sera
sûrement meilleur dans les représentations
ultérieures, et peut-être, osons l’écrire,
dans un autre théâtre ; chacun sait qu’à
Marseille on préfère le volume aux nuances. En tout cas
sa diction du français est d’une qualité excellente.
Semblable épreuve d’une prise de rôle pour Ermonela Jaho qui avait triomphé in loco dans La Traviata
voici une paire d’années. Ayant moins à craindre
l’accueil du public, elle s’engage davantage que son
partenaire dans son personnage, et elle parvient à le faire
évoluer, de l’ingénue du début à la
rouée parisienne jusqu’à l’amoureuse
déchue. Elle surmonte les épreuves vocales –
les « tubes » - haut la main grâce
à une voix remarquablement homogène et aux aigus
assurés. Pour elle aussi, le français est quasiment
irréprochable. On voudrait cependant la réentendre dans
d’autres conditions.
La chorégraphie du ballet dans l’acte du Cours-la-Reine
marie des nymphes et un silène qui aurait vu Nijinski danser L’Après-midi d’un Faune.
Les interventions du chœur sont sans histoire, bien que la
chanson à boire soit plus criée que chantée.
Est-ce un choix de Cyril Diederich,
souvent porté selon nos souvenirs à l’amplification
sonore ? En tous cas nos craintes à ce sujet se sont
révélées presque vaines et c’est avec
plaisir que nous avons écouté les préludes
accompagnant les précipités au cours desquels les
décors sont changés. L’orchestre de Marseille,
à nu, en a donné une exécution fort honorable,
indice probable du bon rapport établi avec le chef, par ailleurs
conseiller musical de la maison.
C’est par des ovations pour Manon et des Grieux (père et
fils) et d’interminables applaudissements que le public a
exprimé une satisfaction indiscutable. A Massilia, vox populi…
Maurice SALLES
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