C O N C E R T S 
 
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PARIS
16/11/2003

www.jules-massenet.com)
Jules MASSENET (1842-1912)

Eve
Mystère en trois parties
Poème de Louis Gallet (1875)

Eve : Nathalie Labry
Adam : Marc Souchet
Le récitant : Jean Goyteche
 

LA SUITE PARNASSIENNE
Fresque musicale pour Orchestre,
Choeur et Déclamation (1912)

Création mondiale

Le Poète : René Finel

Choeur Lyrique de Paris
Orchestre Philharmonique de l'Oise "Le Concert "
Direction Thierry Pelicant

Dimanche 16 novembre 2003-11-18
Temple Protestant de l'Oratoire du Louvre, Paris

 


Concert exceptionnel ce 16 novembre, donné en présence de Madame Anne Bessand-Massenet, et qui présentait une rareté, l'oratorio Eve, et une première mondiale, la Suite parnassienne.

Pour n'être pas totalement ignorée, la musique religieuse de Massenet n'en est pas pour autant familière. De ses quatre oratorios, Marie-Magdeleine (1872), Eve (1875), La Vierge (1880) et La Terre promise (1900) sont encore quelques fois joués Marie-Magdeleine, enregistrée par trois fois, et La Vierge, montée au Festival Massenet en 1990 et enregistrée à cette occasion. Le poète Louis Gallet, déjà auteur du livret de Marie-Magdeleine précisément, mais aussi de celui de Thaïs, évoque la naissance d'Eve au Paradis, la rencontre d'Adam, sa tentation, sa faute puis la malédiction des premiers époux. Il est à observer que la faute consiste à voir "l'arbre de la science dont l'amour est le fruit, qui donnera la puissance humaine". D'une manière on ne peut plus massenetienne, Adam et Eve quitteront l'Eden par ces mots passionnels : "Frappe-nous, mais du moins laisse-nous notre ivresse, ne nous sépare pas ! ". Sur ce poème empli d'extase frissonnante, Massenet a écrit une partition très lyrique, très poétique. La seconde partie débute ainsi par le splendide choeur a capella des Voix de la Nuit auquel succède un frémissant nocturne chanté par une Eve éperdue, toute troublée par la Nature qui l'entoure. L'oeuvre culmine dans les deux duos : Massenet y démontre sa profonde musicalité, son art de la ligne mélodique et déploie son incomparable écriture vocale. Il n'est dès lors pas étonnant que ces duos, et spécialement le second ("Aimons-nous ! Aimer, c'est vivre"), aient enthousiasmé le très nombreux public du Temple de l'Oratoire. D'autant plus que les interprètes semblaient véritablement portés par cette musique enivrante au point de ne parfois paraître qu'une seule voix, embrasés dans la même incandescence. Nathalie Labry possède également toute la puissance requise par l'air "La Terre à jamais me sera livrée" qui impressionna grandement. Avec elle, le baryton au superbe legato de Marc Souchet, et le Récitant tout en force de Jean Goyetche, lequel profère la malédiction sur fond de Dies Irae, formaient un trio idéal. Choeur et orchestre, manifestement rompus à ce répertoire, ont souligné l'admirable maîtrise de Massenet, qui, toujours, a su se mettre au service de ses chanteurs, tant dans ses ouvrages profanes que sacrés.

Choeur et orchestre que le public retrouve dans la seconde partie du concert, dans un silence subit, conscient de vivre un moment historique : la création mondiale de la Suite parnassienne. Ainsi que l'introduisit Madame Anne Bessand-Massenet, la partition date de 1912, l'année même de la mort de Massenet, et n'avait jamais été jouée. Il s'agit d'une oeuvre relativement brève (25 minutes) qui n'est ni une cantate (comme Biblis), ni une scène à la manière des sept suites d'orchestre (Suite pittoresque, etc.), mais bien un hommage à quatre muses, d'où le titre, autour de quelques vers déclamés par un récitant, le Poète (René Finel, le fils de Paul Finel, qui fut en son temps un très beau Jésus dans Marie-Magdeleine !). Ces vers, écrits par Maurice Léna, le librettiste du Jongleur de Notre-Dame, ne sont pas immortels, loin s'en faut, mais exposent l'ambiance requise. Les choeurs n'interviennent que dans les deux dernières parties. La "Rêverie" initale (Uranie) se déroule dans un climat intensément suggestif aux cordes, qu'éclairent quelques légers traits de flûte, de harpe ou de cor. Clio, muse de l'Histoire, nous fait assister à d'étranges "Visions asiatiques" que souligne un fort curieux contre-chant rythmique au xylophone, d'un effet pénétrant et unique dans l'oeuvre de Massenet. Le double choeur entre, doucement, tout embué de poésie, et invoque Euterpe, dans une atmosphère fauréenne. Quant à Calliope, muse de l'Epopée, elle fait défiler les Héros au son d'une "Marche historique" de belle allure, interrompue par la rumeur sourde des troupes en marche, soudain illuminée par une large mélodie vériste. Sur un rythme sèchement martelé par la caisse claire, choeurs et orchestre terminent victorieusement par une rapide citation de La Marseillaise. Telle est cette Suite parnassienne, largement ovationnée par les auditeurs enthousiastes. L'oeuvre est en effet très intéressante, tant par l'originalité de son propos que par ses nombreuses recherches de timbre et d'atmosphère. Ce souci a toujours été primordial aux yeux de Massenet : il le prouvait encore, quelques semaines avant sa mort.

Événement très important donc, qui sera bientôt relayé par un enregistrement à paraître chez Malibran Music.
 
 

Bruno PEETERS
En savoir plus :

- site Massenet : www.jules-massenet.com
- Académie Lyrique des Choeurs de Paris : http://alcp.free.fr
- Malibran music : www.malibran.com

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