C O N C E R T S
 
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NEW-YORK
Metropolitan Opera
07/12/2001
 
Die meistersinger von Nürnberg 

Richard Wagner

Conducted by : James Levine
Choeur et orchestre du Metropolitan opera

Production : Otto Schenk
Set Designer : Günther Schneider-Siemssen
Costume Designer : Rolf Langenfass
Lighting Designer : Gil Wechsler
Choreographer : Carmen De Lavallade
Stage Director : Peter McClintock

Eva : Karita Mattila
Magdalene : Jill Grove
Walther : Ben Heppner
David : Matthew Polenzani
Hans Sachs : James Morris
Beckmesser : Thomas Allen
Veit Pogner : René Pape

 


LA MÉLODIE DU BONHEUR

Distribution de rêve pour ces "Maîtres Chanteurs", où se côtoient ancienne garde, chanteurs confirmés et jeunes espoirs.

Après de nombreuses années d'attente, James Morris s'attaque enfin à ce rôle qu'il craignait ne pas pouvoir servir dans sa plénitude : il s'agit d'emblée d'une des plus belles et des plus sincères interprétations de Sachs qu'on puisse imaginer. À cent lieues de son Wotan qu'il sait rendre tour à tour autoritaire ou déchiré, le Sachs de Morris réussit cette indispensable synthèse de noblesse et d'humanité. La voix obéit aux moindres intentions de l'interprète : couleurs, nuances, mezza voce voire pianissimi, tout contribue à une interprétation émouvante et juste, tout au long d'un rôle éprouvant qu'il soutient sans faiblir.

Karita Mattila est une Eva radieuse, exceptionnelle actrice elle aussi, jouant les jeunes filles à la fois délurées et romantiques et dont la voix culmine dans un quintet lumineux.

La beauté n'est pas la qualité principale de la voix de Ben Heppner : on aura toutefois rarement entendu un Walther aussi bien chanté (on en regrette d'autant plus deux-trois notes discrètement craquées) et aussi bien joué, aux antipodes du ténor de base "la-main-sur-le-coeur".

Matthew Polanzani est un exceptionnel David, à la voix fraîche et claire, suffisamment puissante, bon acteur au physique du rôle. À ses côtés, Jill Grove est une excellente Magdalene, rôle beaucoup moins difficile il est vrai.

On reste confondu par l'aisance de René Pape dans le rôle de papa Pogner : humanité de l'interprète et splendeur de la voix se conjuguen... Où s'arrêtera-t-il !

Au chapitre des vétérans, Thomas Allen assure le remplacement Hans-Joachim Ketelsen, remplaçant lui-même Falk Struckmann dans "Arabella" : on regrettera quelques graillons, mais on aura également rarement entendu le rôle aussi bien chanté (là encore), sans parler de l'acteur au comique irrésistible sans outrance, demeurant crédible en amoureux sur le retour.

Les autres rôles sont tout aussi bien tenus et les choeurs sont absolument splendides.

Les décors sont d'un kitch à mourir (genre "village des schtroumpfs") et rien ne nous est épargné au niveau des costumes qu'on croirait sortis du "Fou du Ri" avec Danny Kaye ! Pourtant ça marche, et même très bien, car cette production vise à montrer l'humanité dans sa profondeur et sa diversité : bonheur, crainte, orgueil, tous les petits bonheurs, tous les petits défauts de la vie nous sont montrés, toujours avec un immense amour pour les personnages. La direction d'acteurs est extraordinaire de professionalisme : pas un choriste (adulte ou enfant), pas un figurant dont le jeu ne soit naturel et spontané, l'ensemble culminant dans la fête villageoise du dernier acte. Le credo "Périsse le Saint Empire, l'art allemand restera éternel" n'est plus alors une démonstration de force de la puissance germanique (éclairage exploité par Adolf et sa joyeuse bande d'amis), mais au contraire de l'abaissement des valeurs matérielles par rapport aux valeurs spirituelles, une manifestation d'humilité de l'homme devant l'art (je précise que cette critique n'est pas sponsorisée par les Amis de Léon Degrelle).

À l'unisson de la production, la direction de James Levine évite l'emphase de l'ouverture, sait accompagner les chanteurs avec amour, fait ressortir les similitudes avec les autres oeuvres du maître (je pense en particulier à "Siegfried"), éclate enfin dans la joie et l'émotion du dernier acte (mais oui, j'ai pleuré...)

Un moment d'exception.
 
 
 
 

Placido Carrerotti
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