les concerts de Forum Opera
Lady Macbeth de
Mtsensk
(08/10/01) |
Mise en scène: Adolf Dresen et Nicolas Brieger Boris: Günther
von Kannen
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Double événement au Grand
Théâtre de Genève pour ce début de saison 2001
: Cette série de représentations du chef d'oeuvre de Shostakovich
correspondait à la fois à la création de cet opéra
in loco et au début du mandat de Jean Marie Blanchard, succédant
à Renée Auphan.
Les répétitions de ce spectacle avait pourtant été totalement perturbées par la mort brutale du metteur en scène Adolf Dresen au cours de l'été. Appelé à la rescousse, son collègue Nicolas Brieger avait alors accepté de se fondre dans un travail dont les décors et les costumes avaient déjà été créés. Le pari a été réussi de main de maître, puisque nous avons assisté à une représentation de grande qualité. Respectant l'unité de lieu, le décor, austère, montre pendant les trois premiers actes, la demeure des Ismaïlov donnant sur une cour entièrement close par des murs symbolisant l'enfermement mental de Katerina. Seul espoir dans ce monde gris et triste, les changement de fond de scène nous montre des cieux superbes. Pendant le quatrième acte, nous nous retrouvons dans le blizzard de la toundra sibérienne, au coeur d'une tempête de neige. La direction d'acteurs et le maniement des masses chorales révèlent de la part du metteur en scène une profonde connaissance de l'oeuvre de Shostakovich. Les pulsions sexuelles sont ici montrées de manière crue, quasi animale, de même que les deux meurtres commis par Katerina, en complète adéquation avec la musique " pornophonique " du compositeur. La distribution est quasi idéale. La révélation de la soirée fut certainement la Katerina de Nina Stemme. La jeune soprano suédoise , lauréate du prix Operalia Placido Domingo, fait d'une prise de rôle un triomphe. Sa voix immense de grand soprano lyrique est à l'aise aux deux extrêmes de la tessiture, nous délivrant entre des pianissimi extatiques, des aigus et un médium couvrant parfois l'orchestre. Le grave est sonore, expressif. Le physique de la soprano est à l'aune de sa voix : superbe. D'une beauté animale, le Sergueï de Christopher Ventris
possède une voix de ténor dramatique prometteuse pour le
répertoire wagnérien et post romantique. Il incarne un paysan,
jouisseur, intéressé, sûr de son sex appeal.
Pâles Zinovi et Aksinia, Excellent balourd miteux d'Alexandre Kravetz, sensuelle Sonietka d'Hanna Schaer, et truculent pope d'Alexandre Vassiliev . Les choeurs interprètent la faconde et le désarroi du peuple russe d'une manière intense, et donnent le meilleur d'eux même au cours du quatrième acte, lors de la scène de la déportation. Il faut dire que l'écriture de ce passage est quasi moussorgskienne. Cette scène est couronnée de manière très émouvante par le chant et la voix somptueuses du vieux bagnard d'Alexandre Anissimov, déjà entendu dans ce rôle à la Bastille. La direction d'Armin Jordan, très détaillée, surtout
dans les pages descriptives et les interludes, manque toutefois singulièrement
de puissance et de sauvagerie dans les fortissimi,
Curieusement, le spectacle subit alors une brusque baisse de régime
à un moment où la mise en scène parisienne avait réussi
à créer un moment de tension quasi insoutenable.
Yann Salaun
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