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COLMAR
08/05/2008
Dmitri CHOSTAKOVITCH
Sept romances sur des poèmes d’Alexandre Bloch, op. 127
pour soprano, violon, violoncelle et piano
Igor STRAVINSKY
Berceuses du chat
pour mezzo-soprano et 3 clarinettes
avec aussi :
Anton REICHA
2 trios pour cors
Karol SZYMANOWSKI
Kolysanka pour violon et piano
Piotr Illytch TCHAIKOWSKY
Sérénade mélancolique pour violon et piano
Antonin DVORAK
Sérénade pour 10 instruments à vent,
violoncelle et contrebasse op. 44
Valeria Stenkina (Chostakovitch),
Carolina Bruck-Santos (Stravinsky), mezzo-sopranos
Ilya Gringolts, Liana Gourdjia, violons
Marc Coppey, violoncelle
Niek De Groot, contrebasse
Hervé Joulain, Pierre Rémondière, Julien Mériglier, cors
Romain Guyot, Jean-François Philipp, Louise Kwon, clarinettes
Sébastien Giot, Paul-Edouard Hindley, hautbois
Laurent Lefèvre, Lola Descours, bassons
Claire-Marie Le Guay, Peter Laul, piano
Dans le cadre du Festival « Les Musicales »
Colmar, Théâtre Municipal, 8 mai 2008
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3 chambristes, 7 possibilités
Quand on songe à la qualité des interprètes dont « disposait » Chostakovitch
de son vivant et dont la plupart furent les créateurs (si ce
n’est les dédicataires) de ses œuvres - Sviatoslav
Richter au piano, Igor Oïstrakh au violon, Mstislav Rostropovitch
au violoncelle et sa femme Galina Vichnevskaya, soprano, le Quatuor
Borodine, les chefs d’orchestre Kyrill Kondrachine et Evgueni
Mravinsky etc. - on en reste pantois et la liste donne le vertige.
Lorsque Rostropovitch demande à Chostakovitch de composer une
œuvre pour lui et sa femme, le compositeur a l’idée
de rajouter à cet effectif peu commode (soprano et violoncelle)
un violon et un piano. L’idée géniale est cependant
de ne pas tous les utiliser pour chaque mélodie. Ainsi, les
combinaisons instrumentales soutenant la voix offrent tous les
possibles : violoncelle seul, piano seul, violon seul, piano et
violoncelle, piano et violon, violon et violoncelle puis les 3
instruments ensembles. 7 possibilités, 7 mélodies
s’enchaînant les unes les autres sans interruption.
La variété des effectifs, de l’écriture et
des climats est absolument admirable et fait de ce cycle un bijou parmi
les mélodies de Chostakovitch, un pan méconnu de son art
et qui pourtant renferme bien des chefs-d’œuvre.
Les Sept Romances
furent donc créées par Galina Vichnevskaya (la
dédicataire de l’œuvre), Mstislav Rostropovitch,
David Oïstrakh et Moïse Vainberg au piano (Chostakovitch
s’étant cassé la jambe, il ne pouvait
interpréter lui-même la partie de piano qu’il
s’était destiné). L’œuvre fut
bissée.
L’ «événement» du concert colmarien
était donc l’exécution de ces rarissimes Romances dont la prestation instrumentale fut du plus haut niveau. Marc Coppey au violoncelle comme Ilya Gringolts
au violon sont en effet impressionnants de technique et Dieu si leur
partie est difficile (traits quasi incessants de quadruples croches
pour le premier dans la 3° mélodie, doubles-cordes quasi
continues pour le second dans la 4°, unissons entre les deux, ou
avec le piano etc.). Le pianiste Peter Laul
n’est pas en reste et affiche une belle présence. Les
trois chambristes offrent un travail de précision remarquable
(plusieurs unissons entre violon et piano - à un tempo
infernal s’il vous plaît - ou entre violon et violoncelle).
Ils savent en outre insuffler une grande émotion à leur
partie, et là encore, les occasions ne manquent pas tant cette
musique est chargée de sentiments intenses.
Curieusement, c’est une mezzo-soprano qui tient la partie de
chant. Un choix discutable car l’aigu est parfois fort
sollicité (2° mélodie) et certaines phrases
paraissent du coup un peu trop tendues pour une mezzo mais le timbre
ambré de Valeria Stenkina
apporte du poids pour d’autres mélodies... La voix,
typiquement slave, a du caractère, elle est aussi
homogène sur tous les registres. On aurait en revanche
peut-être souhaité un peu plus de variété,
si ce n’est de nuances, et surtout davantage de présence
du texte.
Malgré tout, le climat terrifiant et désolé qui
couvre toute l’œuvre est magnifiquement rendu par les
interprètes. On sort de ce cycle assommé et il est
difficile de passer à autre chose...
Il le faut pourtant, mais là où on aurait souhaité
un Quatuor de Chostakovitch par exemple, on a une bluette de
Tchaïkowsky, la « Sérénade
mélancolique » (superbement jouée du reste),
auparavant, on eut des trios sympathiques pour cors de Reicha et une
berceuse pour violon et piano de Szymanowski...
Les quatre « Berceuses du chat » de Stravinsky
quant à elles sont des miniatures affichant là aussi un
effectif instrumental original : 3 clarinettes, dont une petite
clarinette en Mi bémol
et une clarinette basse. Le style acerbe et parfois humoristique de
Stravinsky, très reconnaissable, est bien défendu par les
interprètes.
Bref, on est étonné et un peu mal à l’aise
face à une telle
hétérogénéité de chronologie et de
genres, si ce n’est de qualités. C’est dommage.
Certes, la Sérénade pour vents et cordes de Dvorak permet
à (presque) tous ces interprètes - parfaits - de se
réunir et de se faire visiblement plaisir, mais il est difficile
de se passionner pour une partition aussi peu inspirée.
Pas sûr que cet exercice de grand écart entre le dramatisme profond du Chostakovitch des Sept Romances
et le bavardage creux du Dvorak de la Sérénade serve au
mieux l’une ou l’autre de ces œuvres.
N’aurait-on pu imaginer le Trio de Tchaïkowsky, ou bien, de
Chostakovitch, le 2° Trio, des Préludes et Fugues pour piano
ou une Sonate pour 2 instruments en complément des Romances ?...
D’autres concerts de ce beau Festival de musique de chambre
(dirigé par Marc Coppey), tel celui de l’après-midi
de ce 8 mai estival réunissant Mikhail Rudy, Henri Demarquette
et rien de moins que le Quatuor Talich (absolument splendide) autour
d’un programme Janacek, affichent une plus grande
cohérence.
Il faut cependant louer le Festival de commander des œuvres
à de jeunes compositeurs contemporains et de programmer des
raretés comme ce cycle de Chostakovitch dont
l’exécution en concert réserve de plus grandes
émotions encore qu’au disque.
Pierre-Emmanuel LEPHAY
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