C O N C E R T S 
 
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ORANGE
10/07/04
Susan Neves
(Abigail, Opéra de Monte Carlo, Janvier 2002)
Giuseppe VERDI

NABUCCO

Direction musicale : Pinchas Steinberg
Mise en scène : Charles Roubaud
Scénographie : Isabelle Partiot
Costumes : Katia Duflot

Orchestre de la Suisse Romande
Choeur de l'Opéra de Nice
Choeur du Théâtre du Capitole de Toulouse
Choeurs de l'Opéra-Théâtre d'Avignon et des Pays de Vaucluse
Ensemble vocal des Chorégies d'Orange

Abigail : Susan Neves
Fenena : Béatrice Uria-Monzon
Anna : Guylaine Girard

Nabucco : Lado Ataneli
Zaccaria : Giacomo Prestia
Ismaele : Misha Didyk
Il Gran Sacerdote di Baal : Enrico Turco
Abdallo : Leonard Pezzino

Chorégies d'Orange,
Théâtre Antique, 10 Juillet 2004



Ce 10 juillet, tout laissait présager du pire : une météo incertaine, un baryton souffrant, une pluie fine, persistante mais passagère qui obligea à retarder d'une bonne demi-heure le spectacle...

Mais, miracle du lieu, c'est dans une ambiance survoltée et bon enfant (on ne dira jamais assez que certains soirs le public a aussi du talent) que Pinchas Steinberg monta au pupitre et attaqua l'une des plus célèbres ouvertures de l'opéra italien.

Nabucco ouvrait donc en fanfare les Chorégies 2004. Faut-il revenir sur l'intelligence et le métier de Charles Roubaud dans la direction des acteurs et le maniement des foules ? Le Marseillais déploie un grand livre d'images colorées et fortes pour le plus grand bonheur de spectateurs avides de photos souvenir, dans un luxe de costumes rutilants (Katia Duflot) qui donnent soudain une dimension supplémentaire. A la naïveté de certaines situations, au caractère "bande dessinée" des personnages, correspond aussi une expression grandiloquente, large de geste, qui n'est pas déplacée dans ce cadre magique. Les mouvements de foule sont expressifs, parfois bruyants, l'usage épisodique des machines d'une belle efficacité.

Vocalement, on frise la perfection. Lado Ataneli (le Scarpia genevois de l'ère Auphan) annoncé comme souffrant domine le rôle-titre avec éclat. Le timbre est harmonieux (bien que fatigué en fin de soirée), la technique irréprochable, l'interprétation musicale et dramatique d'un impact saisissant.

Avec quelle aisance et quelle autorité Giacomo Prestia se promène sur les deux octaves du terrible rôle de Zaccaria, dans la plus pure tradition des grandes basses italiennes : celle des Pinza, celle des Nazareno de Angelis... Misha Didyk, la voix un peu incertaine en début de représentation, a la robustesse de cet Ismael qui n'est pas le ténor le plus complexe du répertoire. En Fenena, Béatrice Uria-Monzon achève de nous séduire. Une interprète de grand luxe pour un personnage secondaire qui, soudain, prend une envergure inattendue. Encore une fois, charme et délicatesse s'allient à une réelle présence.

Susan Neves en Abigaïl ? On connaît la tessiture terrifiante du rôle qui, d'ailleurs, avait coûté sa voix à la créatrice du rôle, la célèbre Strepponi, future épouse de Verdi. 
La soprano américaine déploie une voix immense, un fleuve de puissance et de beauté. Les vocalises précises et légères sont un régal, les ut lancés sans l'ombre d'un effort. Une leçon vocale de grande classe, Susan Neves apportant de plus son raffinement d'interprète du bel canto romantique (auquel le rôle appartient tout entier).

Enrico Turco, Ghylaine Girard et Leonard Pezzino, contribution nationale à un cast somme toute international, ne déméritent pas. Triomphe justifié pour les Choeurs (Nice, Toulouse, Avignon) par l'importance de leur rôle et le degré d'accomplissement avec lequel ils le tiennent. La direction de Pinchas Steinberg, à la tête d'un Orchestre de la Suisse Romande des grands soirs, d'une contagieuse vaillance est impressionnante de justesse, d'équilibre, de vitalité. Tel un message de vie, d'idéologie, d'espoir. Exactement ce que souhaitait Verdi.
 
 

Christian COLOMBEAU
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