UN NOEL SUEDOIS A POISSY...
Décidément, c'est une
histoire d'amour sans fin que celle d'Anne-Sofie von Otter avec le Théâtre
de Poissy dont elle est désormais l'enfant chérie, surtout
depuis ce mémorable Ariodante en janvier 1997, qui eut les
suites que l'on sait...
C'est ce que rappela, entre autres,
Christian Chorier, lorsqu'il prit la parole en début de soirée,
précisant que cette artiste qui effectuait toute une tournée
en Europe avec ce concert n'avait choisi que deux villes en France : Toulouse,
le 2 décembre, et Poissy... et que tout le programme avait été
concocté par elle..(1)
Ce dernier, dont le détail ne
fut donné au public qu'au fur et à mesure, est d'ailleurs
un étrange mélange, assez hétéroclite, de chants
traditionnels suédois, américains, anglais, allemands, de
mélodies classiques, de chansons pop-folk à la limite parfois
du sirupeux - comme par exemple "The Eyes of a Child" - et de "tubes" issus
de la tradition de la comédie musicale américaine...
On ne dira jamais assez à quel
point la personnalité de cette chanteuse est exceptionnelle, tant
il semble, en effet, qu'aucun genre musical n'échappe à sa
sagacité et à son appétit et que, telle l'inoubliable
Cathy Berberian, elle soit parfaitement capable de passer de Monteverdi
aux Beatles, ce qu'elle a d'ailleurs récemment démontré,
comme en témoigne son disque pop-rock avec Elvis Costello intitulé
"For the Stars".
Là, d'emblée, elle ose
: tout d'abord le micro, puis la robe noire où scintillent ici et
là quelques fleurs pailletées, très "gitane folk bohème"
et puis, surtout, le "boysband", telle une meneuse de revue. Elle n'hésite
pas non plus à se mettre en scène, à esquisser quelques
pas de danse, à présenter son programme et ses musiciens
avec une voix glamour, tout comme une vedette de variétés.
Les éclairages savants, la "sono" très au point, les entrées,
les sorties, tout dénote aussi un très grand professionnalisme.
Nul doute que cette ravissante diva, toujours diaboliquement juvénile,
pourra, quand elle le souhaitera, s'orienter vers la comédie musicale,
le cabaret, le théâtre, voire le cinéma ou toute autre
forme scénique susceptible de lui convenir. L'incroyable souplesse
de sa voix lui permet pratiquement tout et il est clair que rien ne peut
résister à son charme et à son autorité...
Le contenu du programme a été
largement puisé dans le disque "Home for Christmas" paru il y a
deux ans chez DG ( CD n° 459 685 - DG - 1998/1999) : Koppängen,
Tomorrow will be my dancing day, I wonder as I wander, Noël de
Fauré, "arrangé" de manière assez discutable avec
cloches et violons... On lui pardonnera ce péché véniel
pour d'autres très beaux moments, comme celui où elle arriva
du fond de la salle, vêtue d'une longue robe blanche ceinturée
de rouge, tenant une bougie et chantant a capella Sankta Lucia,
chant très populaire en Suède pour la Sainte-Lucie, Reine
de la Lumière... et d'autres, comme Betlehems Stjärna,
toujours a capella... Pas de micro, cette fois, et le fait d'entendre
cette voix si pure emplir soudain le théâtre dans toute sa
simplicité et sa ferveur, fut vraiment un très grand moment
d'émotion.
Elle chanta aussi La Nöel Passée,
chant traditionnel français harmonisé par Benjamin Britten,
avec la phénoménale diction française qu'on lui connaît,
accompagnée cette fois au piano par son fidèle Bengt Forsberg
- ce morceau figure dans le disque "Folksongs" ( 463 479 - 2 - DG 2000).
Puis, en ayant revêtu à nouveau la tenue un peu hippie du
début, elle entonna des airs de danse suédois, comme Staffansvisa
& för redliga män , n'hésitant pas à se
déhancher, à taper du pied, des mains et à se coiffer
soudain d'une guirlande de Noël qui, auparavant, ornait un des pupitres...
Il convient de saluer tous ses musiciens,
absolument formidables, dotés d'une bonne dose d'humour, et capables
de joindre parfois leurs voix à celle de leur "muse"... Une mention
spéciale à l'accordéoniste, Bengan Janson, à
Bengt Forsberg, bien sûr, qui ouvrit la deuxième partie avec
Bach - mais oui -, un air extrait d'une cantate de chasse... et fit aussi
un petit discours touchant en "franglais", mais aussi au superbe violoncelliste
(jouant également de la guitare et de la contrebasse) Svante Henryson,
ainsi qu'à l'extraordinaire joueur de "nyckelharpe", Torbjörn
Näsbom, instrument traditionnel suédois, très ancien
(plus de 600 ans)... Petite précision : Bengt Forsberg, Bengan Janson
et Svante Henryson, font partie de la distribution du disque "Home for
Christmas"...
Terminant ce concert par le très
célèbre Stille Nacht, d'origine allemande, cette fois,
elle gratifia le public, chaleureux et enthousiaste, du Théâtre
de Poissy de deux bis : un ahurissant Santa baby, chanson de Tony
Springer, Phil Spring et Johan Jawitz créée par... Eartha
Kitt, qu'elle chanta avec une voix de petite fille sexy très proche
de celle de Marylin Monroe, et un plus traditionnel Have yourself a
merry little Christmas...
Ce fut donc un joli moment que nous
firent partager ces artistes, avec une bonne dose d'émotion, de
poésie, de nostalgie et d'amour pour leur pays où Noël
est une tradition très intense.
Donc, "Tack och God Jul ! " ("merci
et joyeux Noël" en suédois).
Juliette Buch
(1)
Après Toulouse et Poissy, ce concert fut donné en décembre,
à Londres, Naples, Amsterdam, Stockholm, Bruxelles, Cologne et Eindhoven
(Pays-Bas).