La Grande Prêtresse Norma s'est
éloignée de son autel pour se mêler au monde des humains.
Ses passions n'en sont que plus violentes, ses contradictions plus pathétiques,
ses faiblesses... plus émouvantes.
C'est ainsi qu'à Angers, Norma
est apparue : une mère responsable, tourmentée par le sort
de ses enfants. Les choix du metteur en scène, Jean-Jacques Cubaynes
(habitué par ailleurs des rôles de basse, à l'Opéra
de Nantes notamment), tendent à rendre son autorité religieuse
et politique presque accessoire. Norma se rapproche du spectateur, passant
d'une célébration éloignée en fond de scène
à une imploration pathétique au plus près de la fosse.
L'hymne attendu à la "Casta
Diva" s'élève avec la dévotion nécessaire,
mais sans soulever d'enthousiasme particulier. Cependant, si le spectre
de Maria Callas hante encore les ténébreuses lumières
de Philippe Mombellet, dans ces premiers moments de l'Opéra, Hasmik
Papian impose peu à peu une présence charnelle, diffusant
une voix puissante, juste et envoûtante dont les sortilèges
se prolongeront bien au-delà du baisser de rideau. Moins à
l'aise que d'autres cantatrices dans les passages "coloratura", ses duos
avec Adalgisa (Maria Soulis), portent en revanche l'émotion à
un niveau rare, qui rend toute critique triviale.
Il est vrai que les autres rôles,
tous de qualité, sont distribués judicieusement.
Ainsi Adalgisa suggère, par
une voix souple et maîtrisée dans toute l'étendue vocale,
sa fragilité et sa fidélité sans faille à Norma.
A cet égard les deux voix légèrement décalées
de Norma et d'Adalgisa (respectivement soprano dramatique et mezzo-soprano)
permettent à la musique de Bellini de déployer toute sa richesse
harmonique.
Par sa présence, Pollione parvient
à rendre convaincant un personnage à la psychologie théâtrale
plutôt sommaire. Il incarne aisément un séducteur aux
attirances mal définies et peu stables, et sa voix aux aigus quelque
peu métalliques contribue à évoquer une symbolique
guerrière pourtant assez peu sollicitée.
La direction d'Alessio Vlad établit
peu à peu (c'était la première) la cohésion
nécessaire entre les solistes, le choeur - ample, nuancé
et précis - et l'orchestre. Si celui-ci est parfois un peu trop
appuyé, le deuxième et dernier acte s'élève
à un niveau d'expressivité qui ne saurait être défini
que par la résonance intime que la musique et le chant éveillent
en chacun des spectateurs. Bien des yeux ont dû s'embuer à
tel ou tel moment, contribuant ainsi à renforcer les choix des créateurs
du décor (Philippe Godefroid, ancien directeur artistique de l'Opéra
de Nantes) et des costumes : un univers de gris, bleus sourds, or, terre...
rouge pour évoquer la cruauté du dieu gaulois.
A cet égard, le sacrifice humain,
consommé au cours du prélude musical initial, ne trouve guère
d'échos dans les choix ultérieurs de la mise en scène
: seules quelques statuettes rituelles placées au sol, au premier
plan, tentent sans conviction d'entretenir la mythologie (échos
pas si lointains de mises en scène de Wagner à Nantes).
Norma est décidément
humaine et ce sont bien les drames de la vie, de l'amour et de la mort
qui nous sont offerts. Le contexte historique de la confrontation de deux
cultures n'est pas particulièrement mis en valeur. Les costumes
des Gaulois et des Romains sont peu différenciés, intemporels.
L'espace scénique, au deuxième acte, est habilement divisé
en deux lieux : celui de l'ordre religieux et politique à droite,
celui plus intime de Norma, en tenue d'intérieur, à gauche...
et c'est bien cet espace-là qu'elle habite, près de ses enfants...
près des spectateurs.
Jacques REVERDY
Prochaines représentations
les lundi 16, mercredi 18, vendredi 20 février 2004 à 20h,
le dimanche 22 février 2004 à 14h30 ; à la Maison
de la Culture de Loire-Atlantique à NANTES