C O N C E R T S 
 
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GENES
19/03/05

Susan Neves
© DR
NORMA

Vincenzo BELLINI

Opéra en deux actes
Livret de Felice Romani

Direction Musicale : Bruno Campanella
Mise en scène : Paolo Miccichè
Costumes : Alberto Spiazzi
Lumières : Davide Ronchieri
Production de l'Opera National de Washington

Norma : Susan Neves
Pollione : Nicola Martinucci
Oroveso : Maurizio Muraro
Adalgisa : Hadar Halevy
Clotilde : Lilia Gamberini
Flavio : Salvatore Cordela

Orchestre et Choeurs du Teatro Carlo Felice
Chef des Choeurs : Ciro Visco

TEATRO CARLO FELICE DE GENES
Samedi 19 mars 2005

Ne le cachons pas : Norma est un ouvrage "casse pipe" pour tout théâtre qui désire le monter. Une gageure en somme. Scénique et vocale. Les risques de pompiérisme sont nombreux. Pour la musique, la simplicité de Bellini n'est qu'apparente. Ces lits d'accords largement arpégés sont bien plus redoutables que les traits brillants ou les complexités spectaculaires d'un tissu orchestral réalisé dans l'optique du théâtre. 

Importée de Washington, la production de Paolo Miccichè est grandiose. Pas de péplum outrancier, une simplicité de tous les instants, des costumes chatoyants, des projections spectaculaires et fort bien étudiées car jamais envahissantes (l'embrasement final est saisissant), pour un bain de lait jouissif et réjouissant. Une illustration peut être au premier degré - on s'en tient au livret, on raconte une histoire ! - mais d'un luxe inouï dans une économie dramatique de bon aloi qui laisse à la musique toute sa place et n'en contrarie jamais le cours impétueux. 

Cependant, le sens de Norma n'est pas forcément là. Plus que dans toute autre oeuvre lyrique, ce sont les voix qu'on attend. Et l'on ne peut que s'incliner devant le travail de Susan Neves. 

Superbe de drapé antique, prêtresse "emplie d'autorité céleste", la soprano new-yorkaise connaît son Bellini sur le bout des lèvres et du coeur. Emouvante dans son imposante simplicité, cette Norma reste toujours noble dans la douleur, volontaire jusque dans la mort. On ne peut aussi que s'incliner devant tant de science vocale, de panache expressif, de perfection technique. Le célèbre "Casta Diva" flotte comme suspendu dans les airs et devient enfin ce qu'il doit être : une prière et non un air de concert. Chapeau bas aussi devant la folie décorative des vocalises, la douceur du legato, la coloration et la dynamique de la phrase musicale. Le trio orageux qui clôt le premier acte est d'une violence toute racinienne, le "Son Io" final déchirant...

A ses côtés, Hadar Halevy est une Adalgisa plus que convaincante. Une fois la trahison de son amant révélée, on la sent prête à reprendre le flambeau religieux à la suite de Norma. Son timbre de mezzo velouté se marie à merveille avec celui de Neves. La voix est très séduisante, la palette riche et le personnage bien caractérisé.

Belle autorité aussi de Maurizio Muraro en Oroveso de tradition, honorable. Choeurs immenses et d'une belle homogénéité.

Reste le cas de Nicola Martinucci, remplaçant au pied levé Francisco Casanova grippé. Remercions-le d'avoir sauvé le spectacle. Est-il indécent de rappeler sa longue et belle carrière pour mieux souligner aujourd'hui les scories d'un timbre sans éclat (l'aigu est douloureux pour tous à commencer par lui), monocorde et dépourvu d'attrait ? En jupette romaine (le ténor aurait dû refuser de porter ce costume, il n'a plus ses mollets d'antan, qui faisaient chavirer les Arènes de Vérone), l'artiste sort rarement le proconsul romain d'une mauvaise routine.

Bonne surprise, par contre, avec la direction de Bruno Campanella. Dès l'ouverture on est séduit par l'équilibre des tempos énergiques choisis par le chef et par un parti pris dramatique qui ne se dément jamais, offrant tout au long de la soirée une véritable réplique aux chanteurs. L'orchestration de Bellini, tant décriée par certains, semble presque savante sous cette baguette avertie. Plaisir de retrouver aussi, par moments, cette musique "lunaire" faite d'abandon, d'extase poétique et de frémissement.

Bellini n'est pas plus facile à chanter qu'il ne l'est à jouer pour l'orchestre. Gênes vient de prouver que pour peu qu'on y mette le prix du désir de bien faire, avec une relative économie de moyens, il est encore possible d'en donner une interprétation probante.
 
 

Christian COLOMBEAU
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