Au bénéfice
du doute, on aimerait croire, en ce soir de Noces à Genève,
à la vengeance d'une femme sur Mozart le misogyne. Las ! Il ne s'agit
que d'une lamentable erreur de casting. Julia Jones disposait d'un plateau
de rêve, d'un formidable orchestre et l'on assiste à un épouvantable
gâchis. Rien n'est en place ! Les tempi sont d'une
lenteur (lourdeur plutôt) inconcevable, et l'ouverture est quasiment
méconnaissable (au point que l'on se demande sur le coup, dubitatif,
s'il n'en existe pas plusieurs versions...) tant Mme Jones aime la trompette
et se fiche des cordes...
Nous n'évoquerons pas non plus
l'insupportable et quasi permanent décalage entre la fosse et l'orchestre
: c'est horripilant de devoir battre la mesure à sa place, de devoir
jouer au métronome pour récupérer, combler en permanence
!
Et l'on enrage encore lorsque Delunsh,
merveilleuse musicienne en prise de rôle de la Comtesse, est si maltraitée
dans son Dove sono, qu'elle manque de s'étouffer... la chef
a encore ralenti ! Pareillement desservies, Lisa Larsson, délicieuse
Suzanne, et Hanna Schaer, qui ne cesse de confirmer la belle carrière
qu'on lui connaît, sauvent les meubles comme elles le peuvent. Chez
les hommes, distribution également impeccable : Dietrich Henschel
est jaloux et autoritaire, et Robert Gierlach est un Figaro agréable
qui ne tombe jamais dans l'excès.
Leur principale (et non des moindres)
gloire à toutes et à tous sera, tout au long de la soirée,
de combler les défaillances d'une direction calamiteuse. Malgré
la qualité des musiciens de l'Orchestre de la Suisse Romande, qu'on
a vus briller et qu'on sait rompus à d'autres exercices, Julia Jones
est largement dépassée dans les ensembles. Au sextuor, c'est
la débandade, plus d'équilibre, aucun choix dans les lignes
mélodiques. Avec une telle distribution, on se faisait une joie
de voir Les Noces de Figaro, on en ressort totalement frustré.
Loïc Lachenal