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PARIS
08/12/2006
© M. Chassat/ONDI
NYMPHÉAS
Francis POULENC (1899 – 1963)
Petites voix pour chœur d’enfants sur des poèmes de Madeleine Ley (1936)
La petite fille sage – Le chien perdu – En rentrant de
l’école – Le petit garçon malade – Le
Hérisson
Maîtrise des Hauts-de-Seine
Claude DEBUSSY (1862 – 1918)
La Damoiselle élue (1887 – 1888)
Poème lyrique pour soprano solo, contralto,
chœur de femmes et orchestre
Damoiselle : Blandine ARNOULD, soprano
Narratrice : Marie GAUTROT, mezzo-soprano
Maîtrise des Hauts-de-Seine
Olivier MESSIAEN (1908 – 1992)
Trois petites Liturgies de la Présence Divine
Antienne de la conversation intérieure – Séquence du verbe, cantique divin
Psalmodie de l’ubiquité par amour
Piano : Márta GODÉNY
Ondes Martenot : Valérie HARTMANN-CLAVERIE
Chœurs : Maîtrise des Hauts-de-Seine
Direction : Gaël DARCHEN
Orchestre national d’Ile de France
Direction : David LEVI
Vendredi 8 décembre 2006
Théâtre du Garde- Chasse – LES LILAS (93)
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LA DAMOISELLE ET LES NYMPHÉAS
OU A L’OMBRE DES JEUNES FILLES EN FLEURS
Il n’est pas si fréquent, par les temps qui courent,
d’assister à un concert sortant des sentiers battus, dont
le programme, cohérent et bien élaboré,
s’annonce comme un panorama – certes, en raccourci –
de la musique française du XXème siècle : la
verve picaresque et humoristique de Poulenc, le
néo-romantisme avec Debussy, et enfin Messiaen et son
épure mystique.
Depuis sa création en 1974, l’Orchestre National
d’Ile de France n’a cessé de mener une politique
particulièrement innovante, grâce au dynamisme des
directeurs musicaux qui se sont succédés à sa
tête, comme Jacques Mercier, Marc-Olivier Dupin et, depuis 2005,
Yoël Levi.
L’orchestre, très engagé envers le jeune public a,
entre autres objectifs, celui de former le public de demain, à
travers de nombreuses actions culturelles et éducatives
destinées aux enseignants et à leurs
élèves, des concerts thématiques et des rencontres
organisées autour de ces concerts.
C’était donc avec infiniment de plaisir qu’on le
retrouvait dans ce Théâtre du Garde-Chasse des Lilas,
à l’architecture si étonnante et si
séduisante, avec lequel il mène un partenariat
très suivi.
Outre ses formidables oeuvres scéniques : Les Mamelles de Tirésias, Le Dialogue des Carmélites, la Voix Humaine, Francis Poulenc a composé de très belles pages chorales, comme Litanies, Sécheresse, Messe en Sol, Figure humaine, Stabat Mater et Gloria. Ces Petites Voix
(Cinq chœurs faciles pour trois voix d’enfants), bien que
de facture plus modeste, sont empreintes d’un charme, d’une
poésie et d’une naïveté que la fraîcheur
des voix de jeunes filles de la Maîtrise des Hauts de Seine met
particulièrement en valeur.
La Damoiselle Elue, poème lyrique composé par Debussy d’après le texte The Blessed Damozel
(1848) dans la traduction française de Gabriel Sarrazin parue en
1855 est une fort belle œuvre, qu’on entend assez rarement
au concert. D’inspiration préraphaélite, plus
précisément influencée par
l’esthétique de Dante Gabriele Rossetti, poète et
peintre anglais d’origine italienne, elle possède une
sensualité subtile, une grâce, une transparence diaphane
et une orchestration raffinée. Certes, ses scintillements
renvoient indéniablement aux Nymphéas de Monet, tout comme son caractère alangui, mélancolique et un peu médiéval annonce Pelléas et Mélisande.
La scène se situe au Paradis des amants où la Damoiselle
élue et ses suivantes attendent l’apparition du
bien-aimé terrestre.
Le choix judicieux d’avoir confié la partie chorale aux
voix fraîches et cristallines de la Maîtrise des Hauts de
Seine s’inscrit parfaitement dans le climat
préraphaélite et cette conception du Paradis hanté
par les jeunes filles en fleurs. La Damoiselle, Blandine Arnould, a une
jolie voix, plutôt légère, quelquefois couverte par
l’orchestre, mais c’est la narratrice, Marie Gautrot, qui
constitue la vraie révélation de la soirée :
timbre somptueux, chaud, riche et profond. Toutes deux ont une diction
française exemplaire.
« Des bleus, des rouges, des bleus rayés de rouge, des
mauves et des gris tachés d'orangé, des bleus
cloutés de vert et cerclés d'or, la pourpre, l'hyacinthe,
le violet et la rutilance des pierres précieuses : rubis,
saphir, émeraude, améthyste - tout cela en draperies, en
vagues, en tournoiements, en spirales, en mouvements
entremêlés » ; c'est ainsi qu’Olivier
Messiaen voyait ses Trois petites Liturgies.
Il s’agit d’une œuvre religieuse de concert, sorte de
« vitrail sonore », profondément
catholique, par laquelle le compositeur pensait accomplir un acte
liturgique, « en transportant une sorte d’office, une
sorte de louange au concert ». Les trois parties de
l’œuvre traitent des différents aspects de la
présence de Dieu : en nous, en lui-même, en autres
choses. Messiaen a élaboré le texte en empruntant
à l’Ecriture sainte : Evangile, Epitres, Cantique des
Cantiques, Psaumes, Apocalypse, et même à des pages de
Saint Thomas d’Aquin et de l’Imitation de Jésus-Christ.
Il convient encore une fois de saluer la performance du chœur, la
beauté de ces voix claires alliées aux sonorités
étranges des ondes Martenot - formidable Valérie
Hartmann-Claverie et à celles, plus chaudes, du piano –
excellente Màrta Godény - d’autant plus que ces
œuvres d’une grande difficulté musicale contrastent
assez nettement, tant par leur caractère intrinsèque que
par leur écriture, avec le reste du programme.Tous les
interprètes sont menés de main de maître par David
Levi, à la tête d’un Orchestre National d’Ile
de France en très grande forme.
Une soirée passionnante, riche en étonnements, en émotions et en découvertes.
Juliette BUCH
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