Oberon de Weber est une œuvre complexe, et qui pose de sérieux problèmes de montage. Composée à la demande du directeur de Covent Garden, l’œuvre était soumise aux normes théâtrales anglaises, c’est à dire qu’il fallait nécessairement des effets visuels forts, mêlant exotisme, pittoresque, et nombreux changements de décors. De plus les dialogues parlés étaient aussi importants, voire plus, que les morceaux chantés. Enfin le livret mélange geste de chevalerie, ambiance orientale type l’enlèvement au sérail, monde de la féerie et des esprits, comme le suggère son titre, qui fait immanquablement penser au songe d’une nuit d’été de Shakespeare.
C’est dire si le spectateur moderne est désorienté devant ces péripéties compliquées avec pourtant une action ralentie et quelquefois incohérente, ces dialogues qui n’en finissent pas, ces continuels changements de lieu. La musique même change de style au gré des scènes !
John Eliot Gardiner a voulu tourner la difficulté en proposant une mise en espace plutôt qu’une mise en scène. L’orchestre est sur la scène, les solistes, en costumes (très laids) devant, jouent la comédie. Les dialogues sont supprimés et remplacés par des textes de liaison en anglais (comme le reste du livret) écrits par sir John lui-même, et dits par un récitant (l’excellent Roger Allam).
On connaît le talent de metteur en scène de John Eliot Gardiner, depuis un très bel et intelligent cosi fan tutte. Malheureusement dans le cas présent, il a opté pour l’ironie : le chevalier Huon de Bordeaux tire avec une escopette sur le méchant Babakhan qui le menace avec un sabre, comme Indiana Jones, les saillies du récitant font rire, tout est drôle…mais empêche l’auditeur de se prendre d’affection pour les personnages et d’intérêt pour l’action. Tout comme d’ailleurs il en aurait été empêché par l’écoute intégrale des dialogues. En fait, le travail de John Eliot Gardiner ne rend pas l’œuvre pire, mais elle ne l’améliore pas non plus. De plus, cette optique fait ressortir les défauts de structure de l’œuvre. Et puis, quelle idée de nous imposer une danseuse du ventre si laide !
Fort heureusement, il reste la musique, et elle est fort belle. On retient en particulier une superbe scène maritime. Mais cette musique si belle n’est pas extrêmement bien servie. Exceptés Steve Davislim en Oberon et Marina Comparato en Fatima, le reste des interprètes est assez anecdotique. Charles Workman, que l’on a dit souffrant, a des aigus tirés et en arrière, Hillevi Martinpelto, incomparable mozartienne, n’est pas à sa place dans le rôle de Reiza, trop lourd, trop long, trop déséquilibré.
En résumé une soirée toute en nuance, qui nous a donné le plaisir d’entendre une belle œuvre rarement donnée, et la déception de ne la voir ni l’entendre d’une façon enthousiasmante.
Catherine Scholler