C O N C E R T S 
 
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METZ

17/11/02

 
L'Orfeo

Opéra de Claudio MONTEVERDI

direction musicale : Françoise Lasserre
Mise en scène : Christian Gangneron
Décor : Thierry Leproust
Costumes : Claude Masson
Lumières : Marion Hewlett
Maquillages : Elisa Provin
Assistant à la mise en scène : Franck Rabilier

Orfeo : Hervé Lamy
La Musica, Euridice : Béatrice Mayo-Felip
La Messaggiera : Sylvie Althaparro
La Sperenza : Els Janssens
Prosperina : Emmanuelle Halimi
Caronte, Pluton : Jean-Claude Saragosse
Ninfa : Patricia Gonzales
Apollo, Spirito 2 : Françoise Roche
Spirito 3 : Emmanuel Vistorky
Pastore 1 : Serge Goubioud
Pastore 2 : Stépahne Levy
Pastore 3, Spirito 1 : Philippe Froeliger
Pastore 4 : Bernard Arrieta
Comédien : Franck Rabilier

Sofie Vincente, Sophie Patey (sopranos), Pascal Richardin, Benoît Daman (ténors)
Emmanuel Bouquey (basse)

Metz, le 17 novembre 2002

Production ARCAL - Coproduction Akadêmia


La ville de Metz a de la chance : elle possède l'une des plus belles salles de concert d'Europe, l'Arsenal, ainsi qu'un théâtre du XVIIIème, petit (environ 650 places) et plein de charme. L'Orfeo est le type d'ouvrage idéal pour une telle salle. La fosse a été surélevée pour l'occasion, les musiciens se trouvant au même niveau que le parterre, le son de l'orchestre est ainsi parfaitement projeté, et le rapport entre les chanteurs et les instrumentistes favorisé.
Cette production nous vient de l'Arcal (Atelier de Recherche et de Création pour l'Art Lyrique), en collaboration avec Akadêmia (bel ensemble vocal de Champagne Ardenne), et rassemble ici une majorité de jeunes voix entourées par quelques chanteurs plus expérimentés. Le décalage entre les premiers et les seconds est parfois cruel, mais il émane de ce spectacle une telle fraîcheur, un tel investissement, qu'on en ressort convaincu.
Des chanteurs, on retiendra surtout Hervé Lamy qui campe un superbe Orfeo. Le timbre est très séduisant, et la maîtrise de l'exigeant bel canto montéverdien, excellente. La grande finesse du chant et du jeu concourent à une caractérisation très touchante du personnage.
Béatrice Mayo-Felip incarne La Musica ainsi qu'Euridice. Elle est aussi à l'aise et parfaite dans l'une que dans l'autre. Il en est de même pour Jean-Claude Saragosse, Caronte et Pluton.
Le reste de la distribution affiche, on l'a dit, de plus jeunes chanteurs. Ici et là, on distingue un beau timbre (notamment chez les ténors, par exemple un bel Apollo), mais aussi des voix engorgées et pas encore dégrossies (surtout chez les hautes-contre, vraiment insuffisants). Le chemin vers l'excellence sera encore long...
Les musiciens composant l'orchestre ont été rassemblés pour cette production. Là encore, le très bon côtoie le moins bon... Les deux violons, par exemple, ont une sonorité vraiment très acide, alors que les cornets, flûtes et surtout le quintette de sacqueboutes, enchantent tant par les sonorités que par le jeu. Enfin, notons la très bonne tenue du continuo, où la présence d'Emmanuel Mandrin à l'un des clavecins est un gage de qualité. Tous sont dirigés par la directrice de l'ensemble Akadêmia, Françoise Lasserre. La chef de choeur transparaît nettement dans la battue, très souple - tout en étant précise - et attentive aux voix. Sa direction est vivante, contrastée; les passages élégiaques comme les rythmes de danses sont parfaitement mis en valeur. Une réussite.

La mise en scène de Christian Gangneron repose sur un dispositif scénique simple et ingénieux, une sorte de triptyque, qui apparaît d'abord fermé (une belle peinture, dans le style de Bruegel, en orne les panneaux), puis s'ouvre progressivement au fil des actes (l'intérieur renferme des niches où évoluent les personnages), pour se refermer au dernier acte. Reste que si la mise en scène elle même séduit dans les actes extrêmes, du fait d'une bonne direction d'acteurs, du mouvement d'ensemble, de costumes variés et colorés, elle peine un peu à rester vivante et convaincante dans l'acte des enfers. Il m'a manqué la présence de l'élément liquide du Styx, dont le passage par Orfeo doit être le noeud de l'action. Par ailleurs, le jeu de Caronte est trop caricatural, et la scène entre Prosperine et Pluton trop statique, Christian Gangneron est ici prisonnier de son décor, en ne voulant pas faire sortir les chanteurs des niches qui le constituent. 
Notons encore que le choeur garde toujours les mêmes costumes, alors que son rôle n'est pas le même au fil des actes (des nymphes, des bergers au premier, des esprits infernaux au troisième). Certes, nous pouvons voir là une sorte de "choeur antique", témoin et commentateur de l'action, il
n'en reste pas moins que l'acte des enfers aurait gagné à plus de caractérisation.

Terminons sur de petits détails, certes, mais agaçants : l'absence du bruit derrière la scène qui fait se retourner Orfeo lorsqu'il sort des Enfers avec Euridice, l'absence de surtitrages à plusieurs moments du spectacle, et aussi, une abominable "sonnerie" à la fin des entractes, une sorte de carillon tel qu'on en entend parfois au téléphone... De petits détails que la future direction de l'Opéra (la précédente directrice, Danièle Ory, a en effet été "remerciée" en juin dernier...) ajustera sans doute. Elle devra aussi songer au fait que la salle de l'Opéra de Metz est absolument parfaite pour l'opéra baroque et des opéras "de chambre" (tel The Turn of the screw de Britten qui sera donné en mars), davantage que pour Lulu de Berg (qui reste néanmoins une des plus belles réussites de la maison ces dernières saisons) ou Don Carlos (version française en 5 actes) qui sera le prochain spectacle, en février.
  


Pierre-Emmanuel Lephay
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