Jérôme
Savary a repris dans son théâtre la mise en scène du
Comte Ory qu'il avait créée pour le festival de Glyndebourne,
connue du grand public grâce à la commercialisation de la
vidéo.
Cette mise en scène, joyeuse
et inventive, passe bien mieux en réel que sur l'écran :
les costumes sont colorés, les gags, nombreux, font mouche. Il se
passe constamment quelque chose à un endroit ou à un autre
de la scène, voire à plusieurs endroits en même temps,
le spectateur ne sait plus où donner de l'oeil, bref, on s'amuse
beaucoup.
Certes, les gags ne sont pas toujours
des plus fins, mais le livret du Comte Ory n'est pas non plus un modèle
de second degré. Il y aura au contraire tout lieu de s'inquiéter
le jour où un metteur en scène trouvera " du sens " à
cet opéra, joyeusement grivois... et plus encore dans la mise en
scène de Jérôme Savary : la scène du lit ne
laisse aucune équivoque sur ce qui se passe sous les draps, les
femmes des Croisés remettent précipitamment leur culotte
au retour de leurs époux, il y a trois baigneuses nues, accessoires
obligés de toute production savaresque. Le tout dans une ambiance
bon enfant.
Sur le plan musical, la grande triomphatrice
de la soirée est Annick Massis, qui réalise un numéro
éblouissant, à base de suraigus et de notes tenues indéfiniment.
Quelle longueur de souffle ! De surcroît élégante sur
scène et pleine d'humour.
(© Cyr-Emeric Bidard)
Marc Laho était annoncé
souffrant, et il est vrai qu'on l'entend bien moins à l'aise que
dans ses prestations antérieures : quelques aigus tirés,
quelques vocalises savonnées, rien de rédhibitoire. Il compense
de plus cette méforme vocale par un comique scénique absolument
irrésistible.
Denis Sedov, initialement annoncé,
a été remplacé par Nicolas Cavallier. Des remplaçants
de ce type, on en demanderait tous les jours ! La voix est belle, longue,
les terrifiantes vocalises de l'air d'entrée complètement
maîtrisées. Un véritable régal.
Le reste de la distribution n'est malheureusement
pas du même tonneau. Marc Barrard, sans démériter,
ne transporte pas dans son grand air, quant à Isabelle Cals, elle
atteint avec le rôle d'Isolier ses extrêmes limites, et cela
s'entend. De plus, la diction est incompréhensible, sans nerf, et
la composition scénique fade.
Le très jeune chef Antonino
Fogliani (26 ans !) se sort avec les honneurs de sa prestation à
la tête de l'Ensemble orchestral de Paris.
Bref, une excellente soirée,
où l'on s'amuse, sans arrière-pensées. C'est si rare
!
Catherine Scholler