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NEW YORK
14/01/2007
Bruce Ford - Otello © DR
Gioacchino ROSSINI
Otello ossia Il moro di Venezia
Livret de Francesco Berio di Salsa
Inspiré vaguement du grand Will
Version concert
Bruce Ford, Tenor (Otello)
Ruxandra Donose, Mezzo-Soprano (Desdemona)
Robert McPherson, Tenor (Iago)
Kenneth Tarver, Tenor (Rodrigo)
Daniel Mobbs, Bass (Elmiro)
Maria Zifchak, Mezzo-Soprano (Emilia)
Gaston Rivero, Tenor (Doge & Gondoliere)
Opera Orchestra of New York
Oratorio Society of New York
Direction : Eve Queler
Orchestre et chœurs du Metropolitan de NY
Direction : James Levine
La Guardia High School Auditorium
14 janvier 2007
Répétition générale
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L’AUTRE OTELLO
Depuis de plusieurs décennies, l’Opera Orchestra of
New-York sous la conduite de l’infatigable Eve Queler propose au
public new-yorkais de redécouvrir des ouvrages oubliés et
parfois même d’en assurer la création in loco. Une
mission que n’assure que très rarement le Metropolitan
Opera ou le New-York City Opera, théâtres de
répertoire et par conséquent centrés sur les
ouvrages susceptibles d’être repris plusieurs années
de suite avec diverses distribution.
C’est dire si l’œuvre de l’OONY est indispensable au paysage musical new-yorkais et cet Otello de Rossini en apporte à nouveau la preuve malgré les déboires de la distribution vocale.
Initialement prévu pour incarner le maure de Venise, Ramon
Vargas a du annuler sa participation une semaine avant la
première. Après les splendides Idomeneo
du Palais Garnier, une telle défection est infiniment
regrettable, d’autant que les remplaçants ne courent pas
les rues.
Sans grande surprise, c’est à Bruce Ford que revient la
mission de se substituer au ténor mexicain. Les qualités
et les défauts du chanteur texan sont connus : un vrai
timbre de « barytenor », des vocalises
précises mais peu aventureuses, un suraigu limité qui en
faisait déjà un Otello de second choix lorsqu’il
remplaçait au pied levé Chris Merritt à Pesaro en
… 1991 ! Depuis, les années ont passé sur sa
voix et le temps n’a pas franchement arrangé les
choses : le chant est plus précautionneux et le suraigu
particulièrement limité (un unique contre-ut timidement
négocié dans le duo avec Iago et au prix de
libertés avec la partition).
Mais il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur et notre
bonheur est ailleurs. Car Eve Queler est aussi une exceptionnelle
découvreuse de talents et nous en apporte à nouveau la
preuve avec un éventail remarquable de jeunes ténors.
Robert McPherson déploie en Iago une fraicheur et un allant
exceptionnel. Voix puissante, suraigus généreux et
vocalises impeccables, le ténor domine avec aisance une
tessiture un peu plus grave que celle d’Otello, tout en offrant
des suraigus largement au delà de ceux de son
« rival ». Son bonheur de chanter crève
tellement les yeux que Bruce Ford, beau joueur, ne peut pas
s’empêcher d’applaudir son partenaire à la fin
d’un duo que le premier aura largement dominé.
Autre talent, le Rodrigo de Kenneth Tarver à la voix
particulièrement haut perché et au chant impeccable mais
au volume un peu faible. Les mauvais coucheurs pourront ergoter sur des
vocalises qui ne sont pas aussi précises que celles de Rockwell
Blake ou un suraigu qui n’atteint pas les hauteurs
stratosphériques de William Matteuzzi : c’est dire
à quel niveau de qualité nous nous situons
déjà s’il faut comparer ce jeune ténor aux
plus grands.
Gaston Rivero est aussi une révélation : belle voix
et timbre charmeur, incontestablement un artiste que l’on suivra
avec plaisir dans des rôles plus importants.
Daniel Mobbs est un Elmiro très correct et Maria Zifchak une
remarquable Emilia, à la voix colorée et aux moyens
généreux : là encore un talent à
suivre.
Depuis les premières reprises modernes de l’ouvrage, nous
avions surtout entendu des sopranos tenir la partie de
Desdémone : Virgiania Zeani et plus près de nous
June Anderson, Lella Cuberli ou Cecilia Gasdia. Côté
mezzo, on ne comptait que Frederica von Stade, au studio aux
côtés de José Carreras.
Ces distinctions entre soprano et mezzo n’étaient en rien
aussi marquées à l’époque de la
création de ces ouvrages et, si le rôle de
Desdémone monte assez haut (contre ré, sauf erreur de ma
part), la tessiture est le plus souvent centrale et le rôle
demande une certaine largeur. Le choix d’un mezzo (pour reprendre
un terme anachronique) est donc un parti intéressant si
l’on privilégie la tessiture à l’ambitus.
J’avoue que Ruxana Donose ne m’avait guère convaincu
jusqu’à présent, mais cette Desdemona, qui lui vaut
d’être souvent à la limite de ses moyens naturels,
la pousse à s’investir à fond dans le rôle et
emporter au final l’adhésion.
La direction d’Eve Queler est plus élégante que
dramatique, un choix sans doute conforme à
l’esthétique de la création, mais parfois un peu
frustrant comme dans la scène finale. On fera la même
constatation pour les chœurs qu’on pourrait souhaiter plus
présents.
La comparaison de ce concert avec les Puritani du Metropolitan quelques jours plus tôt est finalement très éclairante : le bel canto
romantique n’est pas qu’une affaire de
« stars » mais bien de style. Comme disait un de
mes voisins, « à chaque fois que j’entends du
Rossini, je me demande pourquoi on n’en joue pas
davantage » : pouvait-on faire plus beau compliment
à l’OONY ?
Placido Carrerotti
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