C O N C E R T S
 
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GENEVE
06/04/2004
Bo Skovhus (Amfortas), Petra Lang (Kundry), Robert Gambill (Parsifal)
© Grand Théâtre de Genève
Richard Wagner (1813-1883)

PARSIFAL

Festival sacré en trois actes
Livret du compositeur

Nouvelle production

Bo Skovhus (Amfortas),
Duccio Dal Monte (Titurel),
Alfred Reiter (Gurnemanz),
Robert Gambill (Parsifal),
Günter von Kannen (Klingsor),
Petra Lang (Kundry),
Marie Devellereau, Hjördis Thébault, Michaela Selinger, Katharina Wingen, Christine Buffle, Sybil Zanganelli (Les Filles-Fleurs),
Biesser Terziyski (Premier Chevalier),
Wolfgang Barta (Deuxième Chevalier),
Valérie MacCarthy (Premier Écuyer)
Martina Möller-Gosoge (Deuxième Écuyer),
Omar Garrido (Troisième Écuyer),
Vladimir Iliev (Quatrième Écuyer)

Roland Aeschlimann (mise en scène et décors),
Susanne Raschig (costumes),
Lukas Kaltenbäck (lumières),
Wolfgang Willaschek (dramaturgie),
Lucinda Childs (collaboration artistique)

Orchestre de la Suisse Romande
Armin Jordan, direction
Choeur du Grand-Théâtre de Genève
Ching-Lien Wu, cheffe de choeur
Choeur du Orfeus de Sofia
Krum Maximov, chef de choeur

28, 31 mars,
3, 6*, 9, 12 et 14 avril 2004



Deux mots

"Erbmarmen ! Erbmarmen !" (Pitié ! Pitié !) crie Amfortas pour conjurer sa douleur pérenne avant d'officier le rite du Graal. Deux mots au centre d'un long monologue. Deux mots qui dans la voix de Bo Skovhus exhalent toute la douleur du monde. Deux mots envahissants, deux mots angoissants, deux mots effroyables. Deux mots qui, à cet instant de la voix de Bo Skovhus, renvoient chacun à sa propre conscience. De ce cri surgit la Vérité. L'opéra n'existe plus. Ni la scène, ni le décor, ni les personnages, ni Wagner, ni Parsifal. A terre, en proie à la douleur de cette plaie qui ne veut se refermer, Amfortas-Bo Skovhus est comme désincarné. Plus de chair, plus de costume, plus de personnage. Seul l'esprit dicte la voix, et la voix s'approprie l'esprit. Rien d'autre qu'une émotion immense qui vous prend aux entrailles, empoigne votre souffle, vous envahit le corps, emprisonne votre respiration, ressuscite l'angoisse, inonde le coeur pour, finalement, suggérer vos larmes. Une part d'émotion qui va bien au-delà du trait de génie. Bo Skovhus n'est plus le chanteur, le baryton d'opéra, l'acteur qui prononce le mot. Il est l'instrument du sacré de ces mots. Il est l'Homme.

Deux mots qui survolent une distribution de qualité, malheureusement pauvre de l'émotion contenue dans une oeuvre aussi magistrale. Malgré sa somptueuse ligne de chant, la verdeur vocale de la jeune basse allemande Alfred Reiter (Gurnemanz) lui interdit la sérénité du vieux chevalier. Tout comme l'extravagance de Kundry ne peut se retrouver dans la voix encore trop académique de la mezzo-soprano Petra Lang (Kundry). De son côté, Robert Gambill (Parsifal) chante trop souvent en force pour ne pas effacer la théâtralité de son texte alors que, malgré un instrument souffrant de l'usure du temps, le baryton-basse Günter von Kannen (Klingsor) réussit par son habileté à donner corps à son personnage.

© Grand Théâtre de Genève

Deux mots habillant d'un voile bouleversant une production qui bien vite sombre dans un concert en technicolor. Revient à l'esprit la production de 1982 dans ce même Grand-Théâtre de Genève. Rolf Liebermann mettait en scène un univers ravagé par une explosion atomique dans lequel Parsifal se projetait en sauveur. Dans sa mise en scène, Roland Aeschlimann se borne à raconter l'oeuvre wagnérienne dans la forme sans en révéler le fond. Il se limite à montrer une série de tableaux animés (magnifiquement éclairés) qui, se voulant minimalistes, deviennent lourds, statiques et ennuyeux. Quand Wagner prône l'enchantement du Vendredi Saint avec force recommandations toujours ridiculement en vigueur (on n'applaudit pas à la fin du 1er acte !), cette célébration selon Aeschlimann manque singulièrement d'élévation spirituelle. Chez lui, la présentation du Graal, étrange polyèdre flottant comme une boule miroitante de bal musette, demeure imperturbablement terne et sombre alors que l'instant souligné par une musique envoûtante réclamerait une ouverture éclatante de lumières. Mystères de l'introspection !

Deux mots qui n'auraient pas été aussi formidablement proférés si de la fosse n'avait surgi la direction sereine et inspirée d'Armin Jordan. Tout en retenue, en touches lyriques profondes, tirant d'un magnifique Orchestre de la Suisse Romande d'admirables transparences aux couleurs lactées, le chef suisse confirme son enthousiasme pour cette oeuvre dans ce qu'elle lui inspire de merveilleux, de sublime et de passionnel.

Deux mots pour un opéra de quatre heures et demie, cela peut sembler un peu court. Mais, aussi courts soient-ils, ce sont pour des moments de cette qualité que l'opéra mérite d'être et d'attirer ses amateurs.
 
 
 

Jacques SCHMITT
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