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NEW-YORK
12/04/03

© Ken Howard / Metropolitan Opera
Parsifal

Opéra de Richard WAGNER

Kundry : Violeta Urmana
Parsifal : Plácido Domingo
Amfortas : Falk Struckmann
Klingsor : Nikolai Putilin
Gurnemanz : René Pape

Metropolitan Opera Orchestra
Direction : Valery Gergiev

Production : Otto Schenk 
Décors : Günther Schneider-Siemssen 
Costumes : Rolf Langenfass
Lumières : Gil Wechsler 
Stage Director : Zoe Pappas

New-York, Metropolitan Opera
samedi 12 avril 2003


Parsi-fâlot
 

"Ce qui manque aux orateurs en profondeur, ils vous le donnent en longueur" : ce trait d'esprit de Montesquieu pourrait bien trouver à s'appliquer à Valery Gergiev, qui, une fois n'est pas coutume, remplaçait James Levine à la direction du Bühnenweihfestspiel wagnérien. Cinq heures et demie : c'est en effet, avec les entractes, le temps qu'il aura fallu, samedi après-midi au Met, pour arriver à bout de la dernière oeuvre du maître de Bayreuth. Cinq heures trente, cela peut dans certains cas se révéler trop court si le maestro parvient à dégager du début jusqu'à la fin la substantifique moelle de cette oeuvre sublime : pensons seulement au souffle quasi mystique qui parcourt au disque la légendaire version Knappertbusch de 1952... Hélas, rien de tout cela sous la direction du très médiatique maestro russe, qui a plutôt eu tendance à rallier protagonistes du drame et spectateurs à l'unisson des gémissements de Kundry : "Schlafen, schlafen" ! Le prélude donnait déjà une bonne idée de ce qui allait suivre : tempi comme écartelés, procédant par bouts de phrases juxtaposées plutôt que subordonnées à une claire vision d'ensemble, le tout dicté par des gestes parkinsoniens improbables faisant penser à Jean-Paul II donnant sa bénédiction urbi et orbi (histoire de nous rappeler sans doute que Parsifal est une oeuvre d'inspiration religieuse). Dans ces conditions, l'acte II, censé être un immense moment d'intensité dramatique, prend des airs singuliers de conversation de salon (thé et petits gâteaux en moins) où poses forcées, regards inquiets sur les postes de contrôle et manque de chaleur évident de la part de Plácido Domingo et Violeta Urmana cachent mal un certain malaise à ne pas pouvoir donner libre cours à leur talent.


© Ken Howard / Metropolitan Opera

Les chanteurs sont toutefois dans l'ensemble loin de démériter : à l'exception de Nicolai Putilin, qui compose un Klingsor visiblement plus terrifié que terrifiant, et d'un chevalier du Graal (dont nous tairons le nom par charité toute parsifalienne), à l'accent allemand encore plus exotique que le Ténorissimo, le reste de la distribution est de très grande classe : René Pape, qui abordait ici le rôle du bavard Gurnemanz, réussit une fois de plus une prestation exceptionnelle et vole du même coup la vedette à Domingo à l'applaudimètre : ses interventions pleines de noblesse, d'autorité et d'émotion feraient presque regretter que Gergiev n'adopte pas des tempi encore plus lents afin que l'on puisse se délecter de ses longs monologues à l'acte I ! Falk Struckmann incarne un Amfortas émouvant, à la voix puissante, tirant davantage du côté du poète maudit, dépressif et monomaniaque que du roi mourant. Violeta Urmana a pour elle une tessiture large et impressionnante, qui lui permet un bel exercice de funambulisme vocal dans l'acte II, mais son engagement dramatique demeure très en deçà de celui de Waltraud Meier, qui avait signé le rôle dans la captation DVD de cette production aux côtés d'un vaillant Siegfried Jerusalem : c'est un peu en vain qu'on cherche chez elle la femme maudite, la séductrice puis la mystique. Quant à Plácido, il chante davantage Plácido que Parsifal, mais à soixante-deux ans, ce n'est déjà pas si mal : si l'aigu, un peu mat, plafonne vite, le ténor espagnol arrive toutefois à convaincre que dans le rôle du Reine Tor à la tessiture centrale il a encore de beaux restes vocaux et une intelligence scénique intéressante à faire valoir.

La mise en scène néo-classique d'Otto Schenk, elle, passe mieux sur scène qu'en vidéo : certes, il y a toujours toutes les petites kitscheries made in Met (les petites marguerites sur la colline de Montsalvat à l'acte III pour figurer le printemps sont un chef d'oeuvre du genre), mais les couleurs et lumières, bien étudiées pour créer autour de cet opéra un côté sombre et dramatique, se révèlent particulièrement efficaces. La scène des filles-fleurs en particulier, d'une luxuriance mortifère, est visuellement très réussie.
 
 

Rémi Bourdot
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